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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Miroul, ayant perdu un
de ses fers, ne galopait que d’une fesse sur ce chemin pierreux qui navrait sa
tendre corne et j’eus le chagrin de me voir dépassé d’abord par Samson, ensuite
par Giacomi et même par Miroul, celui-là montant à cru le cheval de bât qu’il
avait débâté. Je les suivis cahin-caha, moi qui étais leur chef, ô
vergogne ! et pleurant presque de rage à me voir ainsi relégué dans les
bagues et les bagages de ma petite armée, j’avisai au loin un des gens de
Fontenac qui, se séparant de sa troupe, prenait à travers un grand pré, la
combe des Beunes ici s’élargissant ; j’y engageai ma monture à sa
poursuite, pensant que sur l’herbe elle galoperait plus commodément, ce qu’elle
fit en effet, reprenant cœur à chaque foulée et tant est que je fus sur le
quidam avant qu’il atteignît l’orée d’un bois par quoi ce pré était bordé.
    — Ha !
Moussu ! cria-t-il en me voyant fondre sur lui l’épée haute, votre
merci ! Ne me dépêchez point ! Je ne suis pas un des soldats du
Baron, mais seulement son vannier !
    — Tu
m’eusses cependant occis, tout vannier que tu sois !
    — De
force forcée, Moussu ! Par le commandement du Baron ! Mais je n’ai
point de mauvaise dent contre vous. Moussu, ni contre les vôtres, étant le père
de la Gavachette.
    — Quoi ?
m’écriai-je béant, abaissant mon épée, tu fus ce capitaine des Roumes...
    — Ha !
Moussu, dit le Roume, je n’étais point capitaine, je le contrefis dans ces
occasions, ayant grand appétit de la mignote et celle-ci étant si crédule...
    Qu’il pût
appeler « mignote » la Maligou, laquelle de présent était si ventrue,
mamelue et fessue tant me divertit tout soudain que, m’appuyant de ma main
senestre au pommeau de ma selle, je ris à gueule bec et comme quelqu’un qui
n’en finirait mie. Quoi voyant, le pauvre Roume fut merveilleusement conforté
et rit aussi, sachant bien que maintenant je ne le tuerais pas.
    — Cependant,
dis-je, les larmes me venant encore, la mignote dont tu parles se plaint que tu
l’aies quinze fois forcée en sa grange cette nuit-là.
    — Quinze
fois ! dit le Roume, c’est douze de trop. L’imaginative a grande
seigneurie sur cette pauvre garce. En outre, le forcement fut bien petit.
    À quoi je m’esbouffai
derechef à rire et plaise aux délicates dames qui me lisent de se ramentevoir
combien les esprits animaux en moi, ayant été contraints et serrés par
l’excessive anxiété du combat, avaient allégresse à se relâcher.
    — Va,
Roume ! dis-je enfin, tu m’as trop diverti ! Je te fais grâce !
    — Peux-je
donc m’ensauver ? dit le Roume.
    — Nenni !
Tu es mon prisonnier. C’est fortune de guerre. Jette à terre ta dague et ton
épée. Je les ferai quérir. Et précède-moi jusqu’au chemin.
    Et sur le
chemin, comme nous l’atteignions, survinrent Samson, Giacomi et Miroul, assez
quinauds, me sembla-t-il, de n’avoir pu rattraper les gens de Fontenac avant
qu’ils ne s’enfournassent dans le château du brigand, de sorte que moi qui
étais dans la queue de notre troupe, je fus le seul à ramener un captif duquel,
comme bien on pense, le témoignage pouvait être dans les avenirs de grande
usance et conséquence.
    Miroul voulant
reprendre son bât, il fallut revenir au lieu de mon premier affrontement avec
le Baron, et là voyant mon Accla sur le sol gisant, je fus saisi d’une affreuse
repentaille à avoir ri du conte que le Roume m’avait fait de sa petite
chatonie, alors que j’eusse dû bien plutôt pleurer sur la mort de ma pauvre
jument.
    À la
réflexion, je commandai à Miroul de laisser là le bât, et avec lui le captif,
et de galoper jusqu’à Mespech prévenir la frérèche – laquelle, avec tous
nos gens, devait s’occuper à faire nos foins dans un de nos grands prés à
Marcuays pour que notre moulin fût tout à plein désert et que nos coups de
pistolet n’eussent été ouïs de personne, sauf des manants et habitants de
Taniès dont on voyait apparaître les têtes effrayées au-dessus du mur qui
enclosait leur village, mais sans qu’il osassent descendre sur le chemin pour
reconnaître ce qu’il en était, sachant qu’il n’y a point profit pour le
laboureur à mettre le nez dans les querelles des Barons.
    Je dis aussi à
Miroul d’avoir à ramener un chariot pour y mettre le corps du Baron et de ses
gens, pour ce qu’il ne convenait point qu’ils restassent exposés, la nuit

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