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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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dont
j’augurai bien.
    Je lançai une
dernière œillade à notre moulin des Beunes dont me devaient venir assistance et
secours, mais pas une âme n’y bougeait et pas un bruit n’en venait hors les
abois des chiens et, me tournant alors, je me résolus à ne plus rien espérer de
ce côté-là et à ne devoir mon salut qu’à moi-même.
    Cependant, le
Baron courait à moi, l’épée haute et lourdement mais avec une vélocité qui
m’étonna et me rendit songeard, car je ne l’eusse pas attendu de la guise dont
il avait descendu le chemin. Et quand je vis fondre sur moi cette montagne
d’homme, lequel, jetant bas tout soudain son masque de civilité, hurlait et
grimaçait comme un démon, raquant d’une assourdissante voix de sales et
fâcheuses insultes et me portant de la pointe, des coups à défoncer un mur, le
cœur me descendit dans les entrailles, d’autant que du premier battement de
fer, il faillit me faire sauter l’épée des mains. Et à peu de dire que je
rompais. Je fuyais presque, tandis que sur le chemin la troupe du Baron, me
voyant déjà accablé et occis, poussait des hurlades de haine et de déprisement.
    — Ha !
couard ! hucha le Baron, tu fuis ! Envisage-moi, capon ! Je vais
faire de la dentelle avec tes tripes !
    En joignant
mon fer, il le battit derechef avec tant de force qu’il me l’eût des mains
arraché, si ma dragonne n’était restée, au rebours de toutes les règles en
usance, fixée à mon poignet. Je rompis de nouveau, mais cette fois de côté, et
comme ce taureau fonçait droit devant lui, je fus assez heureux pour le piquer
un petit aux jambes, me jetant à terre ce faisant. Par où, tout contraire aux
avis de Giacomi, je hasardai beaucoup, car revenant sur moi, rugissant comme
les septante diables de l’enfer, Fontenac m’eût cloué au sol, si je n’avais
roulé sur l’herbe plusieurs fois avant que de me relever aussi leste qu’un
chat, prenant du champ tout soudain. Le Baron me courut sus de nouveau, huchant
l’injure à gueule déployée, mais à ce que j’observais, traînant quelque peu la
patte senestre, celle que j’avais touchée. Je sautai de côté, mais au lieu de
me jeter à terre comme devant j’avais si follement fait, je me mis à tournoyer
autour de lui, ma pointe voletant comme guêpe autour de sa tête, mais sans lui
porter de botte. Mes premières terreurs alors me quittèrent, et ma fiance
s’affermissant, je me ramentevais les bonnes leçons de Giacomi et engageai mon
fer à celui de Fontenac, attentif à l’épouser si étroitement qu’il ne pût le
battre à force, comme par deux fois il avait fait. À vrai dire, il y tâcha une
fois encore, mais il y faillit, et me porta alors pointe sur pointe mais je les
parais toutes, son escrime étant plus furieuse que fine.
    Cependant, je
ne relâchais point l’attention dont je suivais son moindre geste, craignant à
tout moment quelque coup fourré de ce félon. Et quand je le vis prendre de la
main qui tenait sa dague sa toque cramoisie, je rompis de plusieurs pas,
cuidant qu’il allait me la jeter au visage pour m’aveugler. Mais au lieu de
cela, l’ayant agitée par deux fois au bout de son bras, il la laissa sur
l’herbe et assurément, ce devait être quelque signal car, coup sur coup, trois
ou quatre pistolétades éclatèrent, lesquelles faillirent me coûter la
vie – comme le Baron y comptait bien – car, le quittant de l’œil pour
envisager anxieusement les miens sur le chemin, sa pointe m’eût percé de part
en part, sans quelque mouvement que la Providence ou l’instinct à l’ultime seconde
m’inspira et qui fit si bien que sa lame glissa entre mon bras senestre et mon
corps, estafilant ma chemise sans m’entrer dans le vif.
    Je rompis et
me remis à tournoyer autour du Baron, engageant et dégageant le fer quasi à ma
volonté, et fort rassuré de ce que mon œillade avait envisagé sur le chemin les
miens, et ceux-ci toujours bien droits sur leurs montures, tant qu’à les voir
ainsi sans navrure ni dommage, le cœur me gonfla de joie et je me remis avec
fiance à l’ouvrage. Mais plaise au lecteur de m’abandonner un instant sur mon
pré à ces sentiments, la dague et l’épée hautes contre le monstrueux Baron, et
m’y laissant, pour ainsi parler, immobile comme une image peinte, de se
transporter sur le chemin afin que de savoir, comme je le sus plus tard –
comme il le saura par ma courtoisie, de présent –, ce qui s’y passa

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