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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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après
que le Baron eut agité sa toque.
    Comme bien je
l’avais pensé, mon Samson avait fort à faire à tenir mon Accla en même temps
que sa monture et d’autant que me voulant suivre de l’œil en mon combat, il n’y
portait pas tous ses soins. Ce que sentant ma jument, et fort troublée par la
présence d’un étalon dans le camp adverse, étant, je gage, en ses chaleurs,
elle se mit à remuer beaucoup, tournant le cul qui cy qui là, levant fort haut
la tête, soufflant dans ses naseaux et donnant sournoisement du sabot arrière
au hongre de Samson comme si elle lui voulût reprocher d’être coupé. Et encore
que le hongre ne rebéquât point, vivant habituellement en grande peur de ma
jument, il ne laissait pas, étant navré, de branler prou à son tour, rendant
plus difficile encore à mon frère la tâche de brider mon Accla, laquelle à la
fin, ne se sentant plus tenue par son maître, ni contenue dans l’étau de mes
cuisses, entra dans un train infernal, et tirant sauvagement sur ses rênes
comme si elle eût voulu s’échapper, levant fort haut les jambes et le col en
hennissant, le Baron, donnant dans ce temps le signal convenu à ses
arquebuseurs, tapis dans les buissons du coteau, comme Giacomi l’avait tant justement
deviné, ils tirèrent l’un et l’autre sur mon Samson, mais ma pauvre
Accla ; au même instant, se haussant davantage encore en sa turbulence,
reçut une des balles dans le col et l’autre dans la tête, s’écroulant tout
soudain. Cependant, les arquebuseurs s’étant révélés par la fumée des armes,
Giacomi saisit incontinent d’entre ses cuisses le pistolet qu’il y avait celé,
tira l’un et Miroul, l’autre, assez heureux pour les toucher, les deux
scélérats roulant sur la pente du coteau jusque sous les pieds des chevaux
adverses parmi lesquels ils ne laissèrent pas de jeter un grand trouble.
    Samson, quant
à lui, toujours quelque peu rêveux et tardif, n’aperçut rien de tout cela,
n’ayant d’yeux que pour mon Accla morte et de pensement que pour mon désespoir
à l’avoir perdue. Et cet aiguillon à la fin le piquant, il saisit le pistolet
caché sous sa fesse, et pointant contre le Sieur de Malvézie, il s’écria en son
délicieux zézayement :
    — Qu’est-ce
cela, Monsieur ? Vous avez occis notre Accla ?
    À quoi le
Sieur de Malvézie, levant ses deux mains vides – sur lesquelles, en effet,
le sang de ses victimes passées ne se voyait pas –, s’écria du ton du plus
pieux chattemite, lequel ton allait fort mal avec sa basse trogne :
    — Nenni,
Monsieur, je ne suis pas armé comme bien vous voyez !
    Et Samson, ne
discernant rien encore de l’embûche dont ma pauvre Accla l’avait sauvé, ayant
dans les hommes (et dans les femmes) la touchante fiance que j’ai dite, ne se
résolut point à faire feu sur ce vilain, en quoi il fut bien mal inspiré, comme
on verra. Cependant, en son indécision, il ne laissa pas dé continuer à le
tenir en joue, ce qui permit du moins à Giacomi de saisir le pistolet qu’il
avait dans ses fontes et de dire à Malvézie d’une voix coupante :
    — Monsieur,
si l’un de vos hommes bouge le petit doigt, vous êtes mort.
    Mais à vrai
dire, aucun d’eux n’y rêvait seulement, ayant sous les pieds de leur monture
les cadavres de leurs compagnons, et ne voyant pas mon combat avec leur maître
tourner à son avantage.
    Car le Baron
saignait maintenant d’abondance de sa navrure au mollet, et, soufflant fort,
paraissait hors d’haleine de tout le branle qu’il s’était donné à me joindre,
de sorte que gardant son vent au lieu que de le gaspiller plus outre, il ne
huchait plus d’insultes à mon endroit et s’accoisait, grimaçant, sourcillant et
cherchant en sa ténébreuse cervelle quelque malicieuse traîtrise à me faire
trébucher.
    Je sentais si
bien ce sournois labeur en sa glande pinéale (dont on dit qu’elle est le siège
de la pensée) que je l’épiais comme chat à l’affût, ramassant mes muscles, tous
mes nerfs vigilants, et ne hasardant rien, ma lame ne quittant pas la sienne
d’un pouce ni d’un trait, mon œil de ce temps ne perdant rien non plus de sa
main senestre : en quoi je fis bien. Car celle-ci, se mettant tout soudain
en arrière, je compris qu’il allait me jeter sa dague au visage et me baissant,
je mis un genou à terre avec tant de promptitude qu’elle passa en sifflant
au-dessus de mon chef. Fontenac fut si confondu de ma vivacité et si

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