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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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qui
viendrait, aux pilleries des hommes et aux outrages des bêtes.
    Miroul
départant à brides avalées, je dépêchai Giacomi et Samson sur le pré afin
qu’ils vissent si Fontenac était bien de tric et de trac occis, comme bien je
le cuidais et, restant seul avec mon Accla, m’asseyant sur le talus du coteau
sans trop vouloir l’envisager, je tombais dans un grand pensement de tout ce
que nous avions vécu ensemble depuis le jour où ce même Fontenac – qui
devait périr quasiment à la même minute qu’elle – l’avait donnée à mon
père pour le remercier d’avoir curé sa fille Diane de la peste, et mon père à
son tour me la baillant, j’étais devenu son maître, mais peux-je dire que
j’étais son maître, tant je faisais corps avec elle, et ne la commandais qu’en
obéissant à sa chevaline nature.
    Mon Accla
avait été dans tous les inouïs dangers que j’avais connus en ces sept années
écoulées : dans le combat de la Lendrevie après la peste de Sarlat, dans
les Corbières contre les caïmans de ces monts, à Nismes lors de la Michelade,
et dans le bois de Barbentane quand je délivrais des sanguinaires gueux les
Montcalm et mon Angelina. Ha ! certes ! Ce n’est pas qu’elle fût sans
ses petits caprices de jument, à ses moments rétive et rebéquée à me rendre
fol, avec les autres chevaux mordante et bottante à n’y pas croire, ne
souffrant pas qu’ils la passassent sur le chemin, se voulant au-dessus d’eux et
la première partout, à la galopade, aux avoines, à l’eau, au ferrage, mais avec
son maître tendre comme une amante, ne me sentant pas approcher sans un
« pfuit » doucement nasillé, posant sa longue et fine tête sur mon
épaule, ou me poussant du chanfrein dans le dos pour quémander les mignonneries
dont elle n’avait jamais assez ; si gracieuse et légère en ses déportements
que c’était une joie de la voir trotter au pré, sa crinière volant au vent
comme cheveu de garce, touchant si peu le sol qu’on eût dit qu’elle
l’effleurait ; au reste, jamais ne me faillant à l’heure du péril, comme
si elle l’eût en son instinct senti, obéissant alors au souffle de la botte,
vaillante à me laisser béant, ne craignant ni les huchements, ni les cliquetis
des épées, ni les pistolétades, toutefois ne dressant ses petites oreilles que
pour ma seule voix, ayant fiance en moi comme en son Dieu. Hélas, ma pauvre
belle Accla, dont plus ne reverrais les magnifiques yeux, si noirs, si luisants
et si doux, si j’avais été le tout-puissant que tu cuidais, j’aurais sauvé mon
bien-aimé Samson sans que tu eusses à pâtir la male mort des balles qu’on lui
destinait.
    J’étais à
plein plongé en la malenconie quand, oyant un battement sourd de sabots et un
roulement cahotant de chariot, je vis mon père et une douzaine de nos gens
surgir du chemin de notre moulin, traverser le petit pont et tirer vers moi au
galop. Je me levai d’un bond, mon père démonta et quelle brassée ce fut !
    — La
merci Dieu ! dit-il d’une voix fort étouffée et ne me serrant tant le chef
contre le sien que pour me celer ses larmes, tu es sauf ! et mon Samson
aussi ! et Miroul ! et Giacomi ! Le traître avait dû avoir vent
de ton retour et posté un guetteur à Sarlat pour signaler votre arrivée et
préparer cette méchante embûche ! Mes deux cadets ! Quelle
meurtrerie ! Quel coup m’eût porté ce chien s’il n’avait failli !
    Là-dessus
Samson survint, et quel embrassement il lui bailla derechef, tous nos gens nous
entourant, nous voulant à leur tour embrasser, caresser, baiser aux mains et
aux épaules, tous fort atendrézis à nous envisager après la grande peur qu’ils
avaient eue en le pensement d’avoir failli nous perdre, alors qu’ils faisaient
les foins, et de nous retrouver à la fin vifs et gaillards, et pas un poil
tombé. Et encore n’y avait là que les hommes. Imaginez ce que ce fut quand,
retirés au château, les garces s’en mêlèrent ! Je vous laisse à penser les
cris, les larmes, les mignonneries, les jasements, les questions à
l’infini ! Tant est qu’à la fin nous retirant de cette grande amour de nos
gens, mon père nous mena en la librairie où Sauveterre était serré, étant
perclus de pâtiment depuis deux jours en sa jambe navrée, et d’humeur fort
revêche, à ce qu’il m’apparut.
    Cependant son
sévère œil noir (dont tant je redoutais les foudres en mes jeunes ans)
s’adoucit à nous

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