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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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être
entré dans un cloaque plutôt que dans une grande capitale.
    Cependant, je
tus mon sentiment, ne voulant point chagriner mon colérique compagnon et bien
au rebours, comme nous passions devant l’église Saint-
    André-des-Arts,
comme il me dit qu’elle s’appelait, je lui en fis de grands compliments, à quoi
il répondit, fort rechigné, et comme s’il avait honte des boues où nos montures
piétinaient :
    — Certes,
c’est un beau monument, mais il est logé à même enseigne que nous, ayant le
pied dans le bren et l’ordure. Mais voilà qui est mieux, poursuivit-il, comme
nous nous engagions dans une large rue, bordée à dextre et senestre de fort
aguichantes boutiques, lesquelles étaient surmontées par de très belles et très
neuves maisons, toutes égales en hauteur et toutes bien alignées et maçonnées
de pierres de brique.
    — Observez,
Monsieur de Siorac, comme céans le pavé est net et bien lavé : c’est que
les marchands y tiennent la main, ne voulant pas que les chalands soient
rebutés par l’aigre senteur des boues.
    — Et
comment s’appelle cette rue ? dis-je émerveillé.
    — Ce
n’est pas une rue, dit l’Etoile, c’est le pont Saint-Michel.
    — Un
pont ? dis-je, croyant qu’il se gaussait. Mais je ne vois pas la rivière
de Seine !
    — Vous ne
la pouvez voir, dit-il, les maisons de chaque côté vous la cachent.
    — Ha !
Je ne sais quoi admirer davantage, dis-je au bout d’un moment. Le pavé si bien
joint, la netteté du ruisseau, ou le bel appareil de briques roses des maisons.
    — Esquelles,
cependant, je ne voudrais loger, dit l’Etoile, faisant sa lippe.
    — Eh !
Monsieur ! dis-je. Et pourquoi donc ? Elles sont si belles !
    — Parce
qu’il y a péril à vivre au-dessus d’une rivière aussi turbulente. La Seine, de
présent, est en ses humeurs douces, mais en ses crues et ses furies, elle
n’épargne rien. Il n’est de pont à Paris qu’elle n’ait emporté au moins une fois,
noyant ceux qui se trouvaient dessus. Ainsi du pont Notre-Dame ! Ainsi du
Pont-aux-Meuniers ! Et ainsi de ce même pont où vous êtes et qui date à
peine de ma naissance, le précédent s’étant écroulé sous l’assaut des eaux
furieuses en une seule nuit, il n’y a pas trente ans.
    Pour moi, le
péril n’étant pas proche, et y ayant tant à voir en ses boutiques, dont les
fenêtres, combien que le soir ne fût pas encore tombé, étaient illuminées aux
chandelles, j’eusse bien volontiers musé – d’autant que je voyais se
presser là de jeunes et honnêtes dames, de fort élégante tournure et fort
exactement masquées de noir, ce qui disait assez leur rang et qu’elles
n’étaient pas du commun.
    — Monsieur
de Siorac, dit l’Etoile, de son moral et morose ton, si comme je le crains,
vous appétez le cotillon, tout huguenot que vous soyez, vous aurez fort à faire
en cette ville, laquelle est plus corrompue de mœurs que l’antique Babylone,
son renom étant si mauvais dans le plat pays d’alentour qu’il suffit qu’une
bonne garce de l’Île-de-France y ait séjourné quelque temps pour qu’au retour
dans son village on doute de sa chasteté. Mais de grâce, ne languissons point.
La rue de la Ferronnerie n’est point si proche, et la nuit tombe, et hélas avec
elle les périls qu’elle apporte, car sachez-le, il n’est de rues et ruelles à
Paris où on ne vous coupe bourse et gorge dès le soleil couché.
    — La
ville n’est donc pas éclairée ?
    — Elle
devrait l’être. Et par les habitants. Les ordonnances le commandent ainsi. Mais
les lois à Paris sont accoutumées de rester lettre morte, le Parisien étant si
mutin. Ainsi de la propreté du ruisseau que chacun, devant son huis, devrait
laver à grande eau, et en particulier quand on y décharge la pisse.
    — Aïe !
dis-je, mais qu’est cela. ? J’ai le chef tout mouillé ! Il
pleut !
    — Ce
n’est rien, dit l’Etoile. Quelque commère à sa fenêtre baille de l’eau à son
jardinet. À la vérité, vous verrez de ces pots de fleurs de marjolaine et de
romarin partout en la ville, encore qu’ils sont de grande incommodité aux
passants et proscrits formellement par les ordonnances royales. Vous avez donc
le choix, Monsieur de Siorac, quand vous irez à pied, ou marcher au milieu et
quasiment les pieds dans le ruisseau, dans la crotte et l’immondice ou marcher
en rasant les maisons, le pied sec mais le chef arrosé. Et encore, n’est-ce
demi-mal

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