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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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quand ce n’est que de l’eau. Mais de grâce, Monsieur de Siorac, ne
languissons pas davantage, la nuit tombe, mettons au trot.
    Je mis au trot
pour lui complaire tant j’étais béant de le voir se mettre martel en tête des
truands de Paris alors que nous étions quatre autour de lui, armés jusqu’aux
dents, et nos pistolets dans les fontes. Il est de fait pourtant que, tandis
que nous trottions dans la rue de la Barillerie, laquelle passe devant le Palais,
monument de la cité devant lequel, même au crépuscule, j’eusse voulu m’arrêter
un petit, le charroi s’était fort clairsemé et de toutes parts, je ne voyais
que gens presser le pas, comme si chacun, la nuit venant, eût hâte de rentrer
en sa chacunière et de se remparer derrière son huis bien clos et ses fenêtres
barreautées.
    — Et le
guet, Monsieur de l’Etoile ? dis-je enfin, surpris de voir les Parisiens
en telle angoisse et frayeur à l’approche de la nuit, n’y a-t-il point de guet
pour veiller la nuit sur la vie des manants et habitants de la capitale ?
    — Il y en
a deux, dit l’Etoile en grimaçant un sourire fort amer. Ha ! Que bien
défendus nous sommes en cette ville ! Deux guets ! L’un qui est fait
de bourgeois et artisans que l’on met de garde en leurs quartiers, s’appelle le guet assis, et assis Dieu sait s’il l’est ! Car ces vaillants-là,
pour passer le temps, s’accommodent sous un porche et là, à la lueur d’une
lanterne, jouent aux dés en vidant leurs flacons et comme bien vous pensez, ils
n’iraient pas se désasseoir quand ils entendent crier au secours. L’autre guet, le guet royal, est fait de quarante sergents à pied et de vingt sergents à
cheval. Celui-ci, je le pourrais appeler non pas assis, mais galopant, car
toute la nuit, ils font des rondes dans la capitale et ces gros sergents-là,
lourdement armés en guerre, toujours dans le branle et toujours inutilement,
chevauchent sur le pavé avec un tel vacarme que les truands s’ensauvent à leur
approche de leurs méchantes voleries et, le guet passé, ils y retournent comme
mouches sur du sucre candi.
    — Monsieur
de l’Etoile, dis-je, dès que nous serons reçus chez le Maître Recroche, s’il
nous reçoit, j’ai le propos de vous escorter incontinent jusqu’à votre maison.
    — Ha !
Monsieur ! Mille merciements, dit l’Etoile, en poussant un soupir, vous
m’ôtez d’un grand poids. Mon logis est sis rue Trouvevache mais si peu loin que
ce soit, il y aurait péril pour moi à m’y rendre seul.
    Ayant dit, on
s’accoisa un petit. Passé le pont au Change, nous chevauchâmes dans la Grand’Rue
Saint-Denis qui avait des boues et immondices à revendre, à la différence de la
rue de la Ferronnerie où nous primes en tournant à gauche, laquelle étant
marchande, montrait un pavé net et bien lavé, encore que ce fût, me dit
l’Etoile, la rue la plus mal alignée de la capitale, les maisons d’un côté
paraissant s’y bousculer, à qui empiéterait le plus sur la chaussée et de
l’autre côté, les magasins maçonnés en appentis sur la muraille du cimetière
des Innocents, bourgeonnaient de tant de verrues que c’était un miracle qu’on
arrivât encore à se faufiler entre les saillies extravagantes des maisons et
les excroissances des boutiques. Et encore était-ce bien pis, je gage, quand
les étals des marchands débordaient sur les pavés.
    — Vous
cuidez peut-être, dit M. de l’Etoile d’un ton chagrin dont il ne se départait
mie en parlant de la ville que pourtant il chérissait, vous cuidez peut-être,
Monsieur de Siorac, qu’il y a là un criant abus qu’il faudrait rhabiller, eh
bien sachez-le, Monsieur le Périgordin, en Paris, plus un abus est criant, plus
il a de chances de se perpétuer !
    Je ris à cette
saillie mais bientôt m’accoisai car, envisageant de côté mon compagnon, je vis
bien à sa mine qu’il ne se gaussait en aucune guise et qu’il fallait prendre
son propos au sérieux.
    — Quoi ?
dis-je, si le Roi dit « Je veux », on ne le rhabillera pas ?
    — Oyez
plutôt, dit l’Etoile, la lèvre amère. Henri II, s’en venant en carrosse de
son château du Louvre en sa maison des Tournelles passa, comme il était
accoutumé, par la rue de la Ferronnerie. Et du fait de ces saillies, verrues et
excroissances, y trouva un embarras de charrois si indémêlable, qu’il y fut
arrêté plus d’une heure, jurant et tempêtant. Retiré enfin aux Tournelles et
son

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