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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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commodité.
    M me des Tourelles, après avoir ri elle aussi de son propre esprit, (je gage qu’elle
ne laissa pas de se paonner de cette saillie le jour même devant ses amies)
incontinent se remit en besogne, et je fus cette fois suave assez pour la
contenter ce qui fit, que me déboutonnant le pourpoint et la chemise, elle y
glissa la dextre pour me flatter le poitrail : mignonnerie dont j’eusse
été ravi, si tout soudain elle n’avait retiré sa main avec autant d’horreur que
si elle s’était brûlée.
    — Quoi
Monsieur ! cria-t-elle, m’ôtant ses lèvres et se reculant, vous portez
tout votre poil !
    — Mais
oui, dis-je béant.
    — Du haut
en bas ?
    — Du haut
en bas.
    — Ciel !
s’écria la Baronne. Corinne, as-tu ouï ? M. de Siorac porte tout son
poil ! Havre de grâce, peut-on être à ce point provincial !
    — Mais
qu’y peux-je ? dis-je. C’est la nature qui m’a fait velu.
    — En
ma conscience ! cria M me des Tourelles, mi-riant mi-fâchée.
Corinne, as-tu ouï ? Monsieur, reprit-elle, l’ignorez-vous vraiment ?
Il y a beau temps que le poil ne se fait plus céans ! Passe encore pour un
barbon ! Mais j’ose dire qu’il n’est point en Paris de jeune et galant
gentilhomme qui ne se fasse à plein épiler avant que d’offrir ses services aux
honnêtes dames de la Cour !
    J’eusse pu
répondre à cela que ces services, je ne les avais pas tant offerts qu’on ne me
les eût requis. Mais je préférais m’accoiser, sachant bien que les mignotes
peuvent à un homme tout pardonner, hors un malgracieux discours, et ayant
appris de M me de Joyeuse que dans le commerce des femmes, il faut
tout prendre ou tout laisser, les caresses comme les coups de bec. Ce tendre
sexe étant accoutumé à se revancher sur un amant de la sujétion où père et mari
le maintiennent, je n’ai jamais trouvé, quant à moi, que des avantages à me
laisser sans rebiquer malmener par lui, ayant observé qu’on me veut d’ordinaire
du bien du navrement qu’on m’a fait, et qu’après la griffe vient la patte de
velours, et celle-là, à proportion, exquise. Ainsi, je me tus, envisageant la
belle d’un œil bleu plus ingénu que nature, et comme effrayé d’avoir perdu ses
bonnes grâces.
    — Ha !
Madame ! dit Corinne qui la première s’émut de mon prédicament, le voilà
tout chagrin et quinaud ! De grâce, rendons-lui nos lèvres ! M. de
Siorac n’a péché que par ignorance. C’est petit péché, et vite remis. En moins d’une
heure, une bonne barbière d’étuves le fera aussi lisse et doux que Nicotin.
    Ha !
pensai-je, Corinne, comme tu y vas ! Me voilà tout tondu et rasé !
Retourné en mes impubères enfances ! Et ne vais-je pas, comme le Samson de
la           Bible, perdre ma force en ces raffinements parisiens ?
    — Monsieur,
dit M me des Tourelles, me prenant la main et mêlant ses doigts aux
miens de la plus délicieuse guise, si vous me voulez servir, comme je crois que
vous y inclinez, il faudra porter remède à ces imperfections, comme aussi à
votre pourpoint, lequel, outre qu’il vous vient de votre aïeul...
    — Ho !
Madame ! cria Corinne.
    — Ne
laisse pas que de porter sur le devant une reprisure qui vous couvrirait de
honte à la Cour.
    — Madame,
nous arrivons, dit Corinne.
    Et en effet, le
carrosse s’arrêtant, M me des Tourelles écartant de sa main si fine,
si jolie et si parfumée, un des rideaux, me dit avec un souris caressant :
    — Monsieur
de Siorac, c’est ici que je descends. Nous sommes céans rue Trouvevache. Cette
petite maison aux volets bleus est à moi. Chaque fois que mon petit corps est
lassé de ce vaste monde, j’y vais me défatiguer des traverses, des embarras, et
du bruit que j’encontre en mon hôtel ; Monsieur de Siorac, j’y serai
demain, vers les six heures de l’après-midi. Je vous y recevrai seule à souper.
    — Madame,
dis-je, je serai dans le ravissement.
    — Je
l’espère aussi, dit la Baronne avec un soupçon de hauteur, si tout est bien
comme je l’ai dit.
    Après quoi, il
n’y eut plus qu’à lui baiser le bout des doigts avec le dernier respect, et à
sortir de ce douiller carrosse du moins gauchement que je pus, non sans
adresser un signe de tête à Corinne qui, à ce que je pus voir, s’intéressait
fort à moi, encore que je ne susse pas alors jusqu’où irait son intérêt.
    Je m’écartai
promptement, pour que le carrosse, en se mettant en branle, ne

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