Paris Ma Bonne Ville
et
relevant le parpal, le gonflait, de sorte que les tétins apparaissaient à
l’échancrure de la robe, fort ronds, fort gros, et hors les pointes, quasi nus.
Au-dessus de ces appas un long cou gracieux était entouré d’une immense
collerette en corolle, dressée derrière la nuque comme la roue d’un paon, toute
en dentelle empesée du point le plus beau et semée de perles d’un orient fort
pur, les mêmes en triple rangée entourant ledit cou, pour ne rien dire ici de
sa coiffure, laquelle était si tressée en torsades, l’une sur l’autre arrangées
et piquées çà et là de tant de brillants scintillants, d’émeraudes, de peignes
d’or et d’aigrettes que c’était merveille que cet échafaudage pût tenir en
balance sur cette mignonne tête.
Et cette tête,
que jolie et mignarde ! Et non sans ressembler à la Vierge que j’avais vue
en Notre-Dame, le nez fin, retroussé un petit, la bouche cerise, l’œil plus
noir que jais. Mais la Vierge était de marbre, et celle-ci si prompte, si vive,
si remuante que vous eussiez cru un gentil oiselet, tournant le bec cy, le bec
là, et sautillant de branchette en branchette.
Cette belle
était suivie d’une forte et jolie chambrière (que Miroul, à cet instant
entrant, engagea incontinent en meurtrières œillades), laquelle portait son
escarcelle, son flacon, son mouchoir et son masque, d’un petit valet chargé
d’un éventail et d’un grand diable de palefrenier qui charroyait au bout d’une
corde une planche qu’il posait, à ce que je vis plus tard, sur le pavé gluant
pour que non pas sa maîtresse se souillât le mignon soulier en saillant hors de
son carrosse ; lequel soulier me parut, quand je l’entr’aperçus dans le
vertigineux balancement de l’ample vertugade de satin vert pâle avec une boucle
d’or et un fort haut talon. Ainsi juchée à un bout, et à l’autre grandie de
trois bons pouces en sa majestueuse coiffure, la Baronne des Tourelles en
taille me dépassait et en volume aussi, son milieu étant si mince, et le haut
et le bas si conséquents qu’elle ressemblait à un sablier.
— Ha !
Maître Recroche ! cria-t-elle d’une voix tant rapide et précipiteuse que
les mots crépitaient sur l’ouïe comme pluie d’orage sur un toit, que d’excuses
ne vous dois-je point pour m’être au lit apparessée tandis que vous attendiez
en mon antichambre pour me livrer mes bonnets ! En ma conscience ! J’avais la veille tant soupé et veillé ! Et en si folâtre compagnie !
Ha, Recroche, il en faudrait mourir ! Recroche, Recroche, ces
bonnets ! Sur l’heure ! Dans l’instant ! Sans languir, je te
prie !
— Languir,
Madame la Baronne ! dit Recroche avec un profond salut dans lequel il
mettait, à ce que je vis, quelque secrète irrision, étant de ces marchands
parisiens qui n’aiment ni les nobles ni les Princes, et ne prisent rien ni
personne au-dessus d’eux-mêmes. Languir, Madame ! N’ai-je pas langui trois
bonnes heures en votre antichambre ! Mon atelier pendant ce temps
désoccupé ! Mes compagnons sans labour ! Ma pratique
abandonnée ! Ha ! Madame ! il vous en coûtera dix sols de plus
de cette langueur-là !
— Peu
importe ! cria M me des Tourelles. Recroche, ces bonnets !
Ces bonnets, à l’instant ! Ha ! ajouta-t-elle, j’étouffe ! Il
fait tant chaud en cet août ! Il en faudrait mourir !
Et appuyant
les deux mains sur sa taille menue comme pour desserrer la basquine qui lui
opprimait la poitrine, elle cria, quasi pâmée :
— Corinne,
mon flacon ! Nicotin, mon éventail !
Ayant respiré
l’un et agité l’autre, elle revécut, et Recroche, ayant dépaqueté les bonnets,
elle les essaya tour à tour au-dessus de ses cheveux échafaudés, Alizon tenant
le miroir devant elle, la mine fort rechignée. Et je vous laisse à penser les
cris, les exclamations, les petites mines, les jacassements infinis, les
gracieux tournements de cou, les gonflements de poitrine, et les il en
faudrait mourir ! dont cet essayage fut accompagné. Quand enfin la
Baronne en eut fini, et eut requis de Corinne son escarcelle pour payer
Recroche, à celui-ci elle glissa dans l’oreille quelques mots que je ne pus
ouïr, mais dont j’entendis le sens, quand Recroche se tournant vers moi, miel
et sucre, me dit :
— Monsieur
de Siorac, Madame la Baronne des Tourelles requiert le plaisir de votre
connaissance.
— Madame,
dis-je en m’avançant, je suis dans le ravissement, et de
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