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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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France, mais le serviteur de
son ordre, comme vous-même êtes devenu courtisan du roi d’Espagne, et cela me
navre.
    Des gentilshommes m’avait entouré, la main sur la garde de
leur épée.
    Ils s’étonnaient, certains avec dédain, mépris, même :
comment pouvais-je, moi, frère de Guillaume de Thorenc, fils de ce Louis de
Thorenc tombé pour la cause huguenote, me souiller, me damner en compagnie de
ces spadassins espagnols et italiens, ces gens des Guises qui n’étaient que des
hommes de guet-apens et rêvaient d’un nouveau massacre des Innocents ?
C’était pour cela qu’ils excitaient le peuple contre les décisions du roi.
C’étaient eux qui avaient exhorté les gens de rien à mettre le feu à cette
maison.
    — Voulez-vous à ce point la mort de ma noble et
gentille sœur ? avait lancé Robert de Buisson.
     
    Je les écoutais. Ils creusaient le fossé qui me séparait
d’Anne. J’étais d’un camp qu’ils haïssaient, auquel ils prêtaient l’intention
de les massacrer.
    Ils m’assuraient que la milice de Paris, sous les ordres du
prévôt, était prête à tuer tous ceux que les prédicateurs, à l’instar du père
Veron, ou les Espagnols et les gens des Guises désigneraient comme hérétiques.
    — Ils ne veulent pas de la paix. Ils veulent égorger
les huguenots, voilà ce qu’ils disent, répétait Robert de Buisson en se plaçant
derrière le fauteuil de sa sœur et en posant les mains sur ses épaules comme
pour me montrer que c’était elle qui serait égorgée, que c’était elle qu’il
protégeait, elle à qui je devais penser, pour elle qu’il me fallait choisir.
    — Savez-vous ce qu’ils chantent, dans la milice
parisienne ? reprenait Robert de Buisson. Voici :
     
    Nos
capitaines corporiaux
    Ont des
corselets tout nouveaux
    Dorés et
beaux
    Et de longs
manteaux
    Pour
huguenots égorgetter
    Et une
écharpe rouge
    Que tous
voulons porter.
     
    La colère, la haine faisaient trembler sa voix.
    Les gentilshommes – Blanzac, Pardaillan, Tomanges,
Séguret, d’autres encore – qui se pressaient dans la pièce portaient la
main à leur épée, répétant de plus en plus fort : « Qu’ils y
viennent, et nous verrons qui égorgettera l’autre ! »
    — Commençons avant qu’ils ne commencent ! lança
même Séguret.
     
    Séguret ressemblait à l’un des spadassins des Guises. Il
avait la même démarche que Maurevert, celle d’un loup avançant sur sa proie.
    Jouant avec son épée qu’il tirait et replongeait dans son
fourreau, il me confia qu’il avait combattu les papistes aux côtés de
Jean-Baptiste Colliard, le capitaine des gardes de Guillaume de Thorenc.
    Je soutins son regard et répondis en détachant chaque mot
que Colliard était un assassin auquel je ferais rendre gorge pour ses crimes.
    Séguret fit un pas vers moi et les autres gentilshommes
m’encerclèrent. Sans doute avaient-ils entendu ou deviné mon propos.
    — Ce beau seigneur de Thorenc, ajouta Séguret, veut en
découdre avec Colliard, qu’il accuse…
    — Un assassin ! l’interrompis-je, tirant mon épée
et m’adossant à la porte.
    — Espagnol ! jura Séguret.
    Anne et Robert de Buisson s’interposèrent, demandant à
Séguret et aux autres gentilshommes de quitter la maison.
    Alors qu’ils passaient près de moi, chacun d’eux, d’un
regard, d’un mot, d’une mimique ou d’un geste, exprima sa haine, sa
détermination à me tuer.
     
    Nous sommes restés seuls, Anne de Buisson assise, son frère et
moi allant et venant, nous arrêtant devant elle chacun notre tour comme si nous
avions attendu qu’elle prononçât un verdict.
    — Savez-vous, avait commencé Robert de Buisson, ce
qu’aurait dit Charles IX ce matin même en apprenant qu’une foule avait
protesté contre la destruction de la Croix de Gastine ? Il a fait le
serment qu’avant deux ans, et moyennant la grâce de Dieu, il aura fait dresser
par tout le royaume de France plus de dix mille croix semblables à la Croix de
Gastine qu’il avait été contraint de faire abattre pour que les huguenots
entrent dans la nasse, là où l’on pourrait mieux les étrangler. Voilà ce que
pense le roi au moment même où il semble vouloir respecter ses promesses et
nous laisser libres de prier et d’honorer Dieu comme nous l’entendons !
    J’ai regardé Anne de Buisson.
    Elle était si proche de moi ! Je n’avais qu’à tendre la
main pour caresser son visage. Un pas m’aurait suffi pour

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