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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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voulait
tendre la main vers l’autre rive.
    Je le savais et pourtant ne renonçais pas.
     
    Un jour de grand beau temps d’hiver, froid et venté,
Séguret, Blanzac, Pardaillan, Tomanges et d’autres tueurs huguenots sont sortis
de la maison et se sont dirigés vers moi. Parmi eux, j’ai distingué
Jean-Baptiste Colliard, dague et épée en main.
    Celui-là venait pour m’occire.
    J’ai dégainé et nous avons commencé à croiser le fer.
    Séguret me visait avec son arquebuse. Ce n’était donc point
un duel régulier, mais un guet-apens de spadassins.
    J’ai crié, appelé, hurlé que des hommes noirs de la secte
huguenote se proposaient d’assassiner un bon catholique.
    Je reculai sur le pont Notre-Dame tout en combattant et en
sautant de droite et de gauche pour éviter l’arquebuse dont Séguret me
menaçait.
    Une foule s’est peu à peu rassemblée autour de moi et a
commencé à lapider les huguenots en criant : « Hors de Paris, les
ennemis de Dieu ! En enfer, les suppôts du diable ! À Montfaucon, les
amiralistes de Coligny ! À mort, ceux de la cohorte
huguenote ! »
    À Paris, les gens de rien, les gens du néant, haïssaient les
huguenots. Les spadassins ont commencé à refluer vers la maison d’Anne de
Buisson et, tout à coup, d’une fenêtre, Séguret a tiré sur la foule qui s’est
égaillée, mais il n’a fallu qu’un court instant pour qu’elle revienne, plus
nombreuse, armée de piques, de haches, brandissant des torches, allumant des
incendies sur son chemin, pillant les échoppes, cependant que les hommes de la
milice du prévôt se disposaient devant la maison d’Anne de Buisson afin de la
protéger.
    Les cris redoublaient. De quel côté étaient ce roi et ce
prévôt qui faisaient abattre la Croix de Gastine mais faisaient pendre les bons
catholiques ? Que valait ce souverain qui signait avec les hérétiques la
paix de Saint-Germain et voulait marier sa sœur avec un roi huguenot ?
    Les miliciens se sont élancés, ont saisi deux émeutiers
qu’ils ont aussitôt pendus à la façade de la maison d’Anne de Buisson.
    J’en ai tremblé d’effroi.
    C’était comme s’ils avaient désigné Anne de Buisson à la
vindicte des gens de rien, comme si la pendaison de ces hommes avait été un
crime des hérétiques.
     
    De fait, quelques jours plus tard, des émeutiers ont
incendié la maison, et, derechef, quelques-uns d’entre eux ont été pendus en
place de Grève.
    J’ai su qu’Anne de Buisson s’était réfugiée dans une maison
de la rue de l’Arbre-Sec, au n° 7. Elle y logeait en compagnie de son
frère.
    Diego de Sarmiento m’a assuré que Robert de Buisson avait
pris le commandement des gardes de l’amiral de Coligny.
    J’ai arpenté cette rue de l’Arbre-Sec. Elle conduisait à la
rue de Béthisy au coin de laquelle se trouvait l’hôtel de Ponthieu. Devant le
porche se pavanaient, bruyants et fats, la mine arrogante, les gentilshommes
huguenots.
    Rien qu’à apercevoir parmi eux Séguret ou Jean-Baptiste
Colliard, je savais que je n’appartenais pas à leur camp.
    J’étais bien de l’autre rive.

 
7.
    J’entrais dans la cour de l’hôtel d’Espagne.
    C’était ma « rive », mon camp.
    Je reconnaissais maintenant chacun de ces « hommes
sombres » ; Maurevert discourait, entouré de ses spadassins, Maraval,
Guitard, Lachenières, Demouchy, d’autres dont Sarmiento me disait qu’ils
appartenaient à Henri le Balafré, duc de Guise, et à son frère Louis, cardinal
de Lorraine.
    Dans la grande pièce que le soleil de ce printemps 1572
éclairait, je retrouvais, aux côtés de Sarmiento, Keller, qui, après de longs
détours pour s’assurer qu’on ne le suivait pas, arrivait de l’hôtel de
Ponthieu. Il chuchotait comme s’il avait craint qu’on ne l’entendît, et on se
pressait autour de lui.
    Il annonçait que la mère de Henri de Navarre, cette folle
huguenote de Jeanne d’Albret, reine de Navarre, venait de mourir, peut-être
empoisonnée par l’un des « parfumeurs » de Catherine de Médicis.
    On se tournait vers Luigi Bianchi qui niait, le visage
plissé par un sourire. À dire vrai, ajoutait-il, il n’était pas le seul, dans
l’entourage de Catherine, à connaître les secrets des mélanges de parfums et de
poisons. Au Louvre, dans l’entourage de la reine mère et de Charles IX, on
prétendait qu’un certain Renato, un Florentin, avait imprégné les gants de
Jeanne d’Albret avec le contenu de trois

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