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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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fioles. Sitôt après avoir enfilé ses
gants, la reine de Navarre avait été saisie de vomissements. On l’avait portée
jusqu’à sa chambre ; couchée, le corps enflé et violacé, elle ne s’était
plus relevée.
    Mais il ne s’agissait peut-être là que de rumeurs. Jeanne
d’Albret était depuis longtemps malade et elle avait pu aussi bien succomber à
une tumeur aux poumons grosse comme le poing, avaient dit les médecins,
laquelle l’avait étouffée.
    Sarmiento levait la main. Peu importait. Il n’y avait pas
lieu de se féliciter de la mort de la reine de Navarre. Le chemin était
désormais libre pour Catherine de Médicis, plus déterminée que jamais à marier
sa fille avec le huguenot Henri. Mais ce n’était pas encore le plus grave.
     
    Sarmiento allait et venait dans la pièce et Enguerrand de
Mons, le père Verdini, le père Veron le suivaient, penchés vers lui pour mieux l’entendre.
Il disait que trois mille cavaliers huguenots et cinq mille mercenaires
allemands étaient en route pour les Pays-Bas afin d’apporter leur aide aux
gueux de Guillaume d’Orange.
    — Coligny, poursuivit-il en se tournant vers Keller, a
obtenu l’accord du roi.
    Keller l’approuvait, précisant que Charles IX avait
déclaré vouloir s’opposer « le plus dextrement possible à la grandeur des
Espagnols ».
    — La conspiration huguenote, concluait Sarmiento, veut
briser la puissance de l’Espagne en utilisant les ambitions du roi de France,
et Catherine de Médicis se prête à cette machination.
     
    J’écoutais, puis m’écartais. J’entendais encore le père
Verdini rapporter qu’il avait reçu un courrier de Rome. Le nouveau pape,
Grégoire XIII, voulait, comme Pie V, empêcher ce mariage et tout
risque de guerre entre l’Espagne et la France. Le seul moyen était de redonner
vie à la Sainte Ligue des catholiques unis à la fois contre les hérétiques et
les infidèles.
    — Les uns et les autres sont fils du diable, ajoutait
le père Veron. Un catholique a le devoir de les tuer. Saint Augustin a
dit : « Il y a un Roi par-dessus la loi, c’est Dieu. Et s’il commande
à quelqu’un de tuer une personne, comme Il fit à Abraham de tuer son fils, il
faut qu’il le tue. » Dieu a commandé d’envoyer en enfer Coligny et les
hérétiques comme jadis les Templiers reçurent mission de tuer les infidèles.
     
    Je restais à l’écart.
    Je doutais, Seigneur. Je me souvenais des paroles de Michele
Spriano qui avait entendu, derrière les grands mots de la religion, les
ambitions terrestres des monarques avides de puissance, les habiletés de
marchands et de banquiers soucieux de leurs profits.
    Je m’interrogeais : et si l’affrontement entre
huguenots et catholiques, entre chrétiens et musulmans, n’étaient que les
pièges que tendait le diable aux hommes afin de les précipiter dans le Mal, de
les pousser à tuer l’autre qui était aussi, Seigneur, l’une de Vos
créatures ?
    Les pensées dans ma tête formaient un enchevêtrement que je
ne réussissais plus à démêler.
    J’avais l’intuition que nous étions tous, catholiques et
huguenots, entraînés dans l’une de ces danses macabres telles qu’on les voit
sculptées au tympan des églises. La mort avec sa faux y menait sa sarabande.
    Comment en finir avec ce bal de la haine ? Qui
survivrait à cette rage de tuer qui déformait tous les visages, ceux des
gentilshommes huguenots comme ceux des spadassins de Sarmiento et des
Guises ?
    Mon désespoir était d’autant plus grand que je voyais chacun
danser avec entrain, comme si le désir de précipiter ses ennemis dans l’abîme
faisait oublier que l’on y dévalerait aussi.
    Seigneur, était-ce cela que Vous vouliez ? Ou bien
aviez-Vous abandonné les hommes aux mains du diable ?
     
    — Affûte tes lames ! m’a dit Sarmiento. Les
huguenots arrivent aujourd’hui.
    C’était déjà le mois de juillet.
    J’avais revu Anne de Buisson et ma sœur Isabelle, toutes
deux suivantes de Catherine de Médicis, à l’une des fêtes que la reine mère
donnait au Louvre.
    On y dansait dans les cours, les jardins, les salles et
jusque sur les paliers.
    On épiait Marguerite de Valois dont les robes constellées de
perles enserraient la taille.
    — La belle et légère Margot…, marmonnait Sarmiento.
Mariée ou pas à son huguenot de Navarre, elle ne sera jamais l’une de ces
huguenotes boutonnées en noir dont on ne sait trop si elles sont hommes

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