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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Leonello
Terraccini qu’il faut rassembler les valets : « Qu’on les arme,
qu’ils me suivent ! »
    Il traverse la cour, ouvre la poterne, reçoit contre lui le
corps ensanglanté de Bernard de Thorenc, qui brandit son arme tout en
protégeant de sa poitrine Anne de Buisson.
    Montanari les pousse à l’intérieur de la cour, écarte les
bras. Il sent que les valets l’entourent. Il fait face aux gueules ouvertes,
voit les dents ébréchées, les gencives sanguinolentes, les visages balafrés,
les yeux exorbités, les poings brandis, les torses couverts de haillons, les
gourdins et les poignards. Des enfants semblent se glisser entre ses jambes. Il
lui faut les rejeter à coups de pied.
    Les valets dressent leurs hallebardes. Le peuple du néant
recule.
    Un prêtre s’avance au premier rang, dit qu’il faut châtier
les mal-sentants de la foi, que l’ange de Dieu a choisi ce jour de la
Saint-Barthélemy pour écraser les démons. Tous ceux qui les protègent seront
damnés.
    — Je suis vénitien de la Sainte Ligue, crie Montanari.
Je suis soldat de la Croix, et l’homme que j’ai accueilli était avec moi à
Lépante en ce jour béni du dimanche 7 octobre de l’année 1571, je l’atteste
devant Dieu. Entre, si tu veux !
    Il n’attend pas la réponse du prêtre, le tire par le bras
dans la cour. Bernard de Thorenc est debout. Il porte à l’épaule le mouchoir
blanc des soldats du roi et des Guises, le signe des exécuteurs.
    — Tu le vois, dit Montanari. Ce gentilhomme est au
service de Philippe II, roi catholique d’Espagne. Il a été prisonnier des
infidèles. Il était avec moi à Lépante, dans la Sainte Ligue, sous le signe de
la Croix : Tu hoc signo vinces !
    Le prêtre hésite. Il aperçoit Anne de Buisson assise sur
l’une des marches.
    — Celle-là, s’écrie le prêtre, celle-là est une
huguenote, une hérétique !
    — Convertis-la, bénis-la si tu crois cela ! lance
Montanari.
    Il s’approche d’Anne de Buisson, lui tend la main, chuchote
qu’il s’agit non seulement de sauver sa vie, mais celle de tous les gens qui
vivent là. « Les chiens qui hurlent dehors veulent du sang. Ils nous
tueront tous ! » lui murmure-t-il.
    Anne de Buisson s’agenouille devant le prêtre, qui regarde
autour de lui.
    Bernard de Thorenc tient son épée à demi levée. Leonello
Terraccini est armé de deux pistolets. Montanari a la main sur sa dague. Les
valets avec leurs hallebardes ont formé un hérisson. La foule n’avance pas.
    Le prêtre pose la main sur les cheveux d’Anne de Buisson,
s’incline et marmonne. Elle baisse la tête. Montanari n’entend pas son murmure,
mais elle doit confesser son erreur, renier sa foi, demander grâce pour qu’on
l’admette à nouveau au sein de la sainte religion.
    Le prêtre se signe, puis se dirige vers la foule et crie :
    — Il n’y a dans cette demeure que des croyants de la
vraie foi en Jésus-Christ et en la sainte Église.
    On hésite, puis on l’acclame. Il se tourne vers Montanari,
le bénit.
    Les valets referment la poterne.
    Montanari se signe et murmure :
    — Merci, Seigneur.
     
    — Si je voulais la sauver, dit Bernard de Thorenc, je
devais me jeter en avant.
    Il est assis en face de Vico Montanari dans la pièce du
premier étage de l’hôtel de Venise.
    Il tourne la tête vers les fenêtres. Elles sont fermées,
mais on entend le battement sourd des cloches auquel se mêlent les détonations
sèches des arquebuses, les cris, le martèlement des sabots des chevaux.
    — C’était comme sur le pont de la Sultane ,
reprend-il. Je me suis ouvert un chemin parmi les huguenots. Derrière moi, on
égorgeait, on étripait.
    Il s’interrompt, écoute la rumeur.
    — Dieu a-t-Il voulu cela ?
    Ses mains, ses bras, sa poitrine et son front sont pris dans
des bandages que le sang a déjà rougis.
    — Ils les ont tous massacrés, ajoute-t-il.
    Il s’est engagé seul dans une galerie où les huguenots
s’étaient réfugiés, raconte-t-il. Elle devait conduire jusqu’aux berges de la
Seine. Ils espéraient fuir par le fleuve, ignorant que le roi avait donné
l’ordre d’enchaîner les barques.
    — Ils n’ont pas eu le temps d’atteindre la berge. Les
hallebardiers du roi et du duc de Guise les ont cloués contre les parois. Je me
suis placé devant Anne de Buisson.
    Il s’interrompt, baisse la voix comme s’il craignait qu’Anne
ne l’entende de la chambre voisine où elle a été conduite.
    — Le sang

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