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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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répète Bernard de Thorenc.
    Il se penche vers Vico Montanari.
    — Ils n’attendront pas le lever du soleil, poursuit-il.
    Il se cache le visage derrière ses mains, parlant si bas que
le Vénitien doit s’approcher pour comprendre ses mots chuchotés.
    Bernard de Thorenc a vu un membre du parlement de Paris,
Michel de Polin, partisan de la réconciliation ; il a décidé de quitter la
ville parce qu’il est sûr qu’on ne va pas massacrer que les huguenots, mais
aussi ceux qui, bons catholiques, ne veulent pas qu’on tue. Selon Michel de
Polin, seul un miracle ou l’opposition du roi – mais ne serait-ce pas un
miracle ? – pourrait empêcher l’hécatombe.
    Michel de Polin a appris que des listes avaient été
dressées. Les quarteniers sont allés dans toutes les hostelleries, les logis,
prenant par écrit les noms de ceux qui font profession de la religion nouvelle,
et ont transmis ces rôles au prévôt et aux échevins qui les ont remis aux gens
des Guises et de Henri d’Anjou.
    Les tueurs, qu’ils soient hallebardiers suisses –
ainsi, ces cruels trabans levés par le duc de Guise – ou bien garde-corps
du roi, savent qui ils doivent égorger.
    Coligny sera le premier, puis viendront tous les autres.
     
    Bernard de Thorenc se tait sans pour autant retirer les
mains de son visage.
    Il a vu, reprend-il de la même voix étouffée, les
hallebardiers, les arquebusiers, les tueurs de Sarmiento s’accrocher un ruban
blanc à l’épaule afin de se reconnaître durant le massacre.
    — Ils les tueront tous, dit-il une nouvelle fois.
    Il semble hésiter, se redresse, regarde Vico Montanari.
    — Enguerrand de Mons participait au Conseil privé qui
s’est tenu au Louvre il y a moins d’une heure. S’il l’avait voulu, le roi
aurait pu couper la corde avec laquelle on s’apprête à étrangler les huguenots.
Mais le miracle n’a pas eu lieu.
    Bernard de Thorenc s’interrompt.
    — Je n’aime pas les huguenots. Ils ont tué mon plus
proche compagnon, Michele Spriano. Ils sont les alliés des infidèles. Je suis
prêt à les affronter en bataille réglée. Mais cet égorgement qu’on prépare
n’est pas conforme à la religion du Christ.
    Il fait la moue, hausse les épaules.
    — Je sais les huguenots prêts à faire de même,
continue-t-il. C’est avec cette crainte que Henri d’Anjou et Catherine de
Médicis ont arraché au roi son assentiment à ce qui se prépare. Je sais aussi
que Diego de Sarmiento a transmis à Charles IX une missive du roi
d’Espagne. Peut-être Philippe II l’a-t-il menacé de faire entrer dans le
royaume les troupes espagnoles afin qu’elles en finissent avec les huguenots.
Et Charles a cédé. Il s’est levé, a crié, juré par la mort Dieu, dit que
puisque la reine mère et son frère d’Anjou trouvaient bon qu’on tuât l’amiral,
il le voulait bien, mais qu’on tue aussi tous les huguenots de France afin
qu’il n’en demeurât pas un qui pût lui reprocher d’avoir fait tuer l’amiral. Et
il a juré derechef : « Par la mort Dieu, tuez-les tous, et
promptement ! »
     
    Tout à coup, Bernard de Thorenc saisit les mains de
Montanari.
    Il a cherché, dit-il, à avertir Anne de Buisson. Mais il
était déjà trop tard, la rue de l’Arbre-Sec était tout entière occupée par des
hallebardiers, les trabans des Guises. Aurait-il réussi à franchir leur ligne
qu’il se serait trouvé face aux gentilshommes huguenots. Et Séguret, Pardaillan
ou Jean-Baptiste Colliard ne l’auraient pas laissé voir Anne.
    — Je vais retourner là-bas, dit-il. Je veux être
présent au moment où les hallebardiers et les arquebusiers attaqueront. La
grosse cloche de Saint-Germain-l’Auxerrois devrait donner le signal, vers les
six heures. Mais ils n’attendront pas jusque-là. Ils ont trop hâte de
tuer !
    Il serre les mains de Montanari.
    — Je ne veux pas qu’ils attentent à sa vie. Je la
sauverai. Mais elle ne sera en sûreté que si elle reste cachée plusieurs jours,
le temps que leur vienne le dégoût du sang. Arrive un moment où cela se produit
toujours, nous le savons, nous qui l’avons tant vu et fait couler…
    Thorenc se lève.
    — Je la conduirai jusqu’ici. Vous la cacherez, n’est-ce
pas ?
    Vico Montanari ne répond pas.

 
14.
    Vico Montanari s’est affaissé sur le siège à haut dossier.
Il dort, le buste penché en avant, bras croisés, les mains enserrant ses
coudes. Il respire bruyamment, le menton calé sur la

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