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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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poitrine, le front appuyé
contre le rebord de la fenêtre.
    Les bougies se sont consumées. La nuit n’est déchirée que
par les lueurs fugitives de torches qui éclairent un instant la poterne et la
façade de l’hôtel de Venise.
    Tout à coup, Montanari secoue la tête comme s’il voulait la dégager,
échapper à l’étouffement, à ce battement sourd qu’il entend, à ces flots de
sang qu’il imagine recouvrir par saccades son visage et le noyer.
    Il pense : on égorge une femme au-dessus de moi et
c’est son sang qui jaillit, m’ondoie, pour quelles épousailles ?
    Noces vermeilles. Noces de sang. Noces barbares.
    Il se redresse, se réveille.
    Le tocsin de Saint-Germain-l’Auxerrois frappe à grands coups
contre la vitre qui tremble comme si elle allait se briser !
     
    Montanari se lève, repousse le siège, ouvre la fenêtre.
    Poisseux, chaud, l’air noir de la nuit est parcouru d’ondes
épaisses qui résonnent, se chevauchent, heurtent les murs de l’hôtel de Venise.
Montanari recule comme s’il ne pouvait résister à ce flot de bruits qui monte
de la rue des Fossés-Saint-Germain.
    Des hommes avancent dans la lumière des torches. Les
arquebuses et les hallebardes, les casques brillent par instants. Il reconnaît
les uniformes, les armes, le cuir des trabans, les mercenaires suisses du duc
de Guise.
    Il s’écarte d’un bond de la croisée.
    Des soldats se sont arrêtés devant la poterne de l’hôtel de
Venise. Ils lèvent leurs torches. La lumière jaune envahit la pièce, puis
disparaît.
    Montanari ne discerne pas les chevaux, mais il perçoit le
choc des sabots contre le pavé.
    Une voix rauque se détache, s’impose au tocsin qui semble
l’accompagner. Elle répète à chaque fois, plus forte : « Le roi
commande ! C’est la volonté du roi ! C’est son exprès
commandement ! »
    La troupe se remet en marche vers la rue de l’Arbre-Sec et
la rue de Béthisy. À l’angle des deux rues se trouve l’hôtel de Ponthieu, là où
repose l’amiral de Coligny, protégé par quelques hommes, encerclé par les
garde-corps du capitaine Cosseins, son ennemi juré, désigné par le roi.
     
    Montanari s’avance à nouveau vers la fenêtre. L’obscurité
est comme un tissu dont les mailles peu à peu se desserrent.
    Il se penche. La rue est envahie par les soldats. Ils
parlent fort, leurs armes s’entrechoquent. Cette rumeur proche couvre parfois
le tocsin de Saint-Germain-l’Auxerrois qui continue de heurter la nuit pour
l’enfoncer, l’abattre.
    Brusquement, des détonations, des cris, le fracas de portes
qu’on brise, des hurlements, la voix aiguë de femmes.
    D’autres cloches se mettent alors en branle, celles de
Sainte-Eustache et de Notre-Dame qui répondent au tocsin. Les églises sont
autant de nefs qui ouvrent le feu de tous leurs canons, et le quartier, du quai
de l’Étoile à la rue Saint-Honoré, de la rue de la Monnaye à la rue de
l’Autruche qui longe le Louvre et l’hôtel de Bourbon, n’est plus qu’un champ de
bataille.
    Montanari ferme les yeux. Il est à bord de la Marchesa, les
galères se heurtent, les mâts craquent. Ce sont les mêmes cris d’hommes qu’on
égorge à Paris comme à Lépante.
    Les hurlements proviennent de la rue de l’Arbre-Sec et de la
rue de Béthisy. Montanari les reconnaît. C’est quand on tue qu’on hurle ainsi.
    Les soldats ont dû entrer dans la maison du n° 7 et
occire l’amiral de Coligny.
     
    Montanari regarde.
    Les mailles se sont écartées. La nuit est trouée. L’aube est
là, déjà rougie.
    Les soldats sont moins nombreux, mais la rue grouille
d’hommes, de femmes, d’enfants qui courent en gesticulant, en criant. Les uns
brandissent des objets, des tapis, des vêtements ; ils se battent entre
eux, se disputent le butin.
    C’est l’hallali, le temps du pillage. On va tuer, tuer
jusqu’à en être ivre, le visage barbouillé de sang.
    Qui peut retenir une meute quand on l’a lâchée après lui
avoir donné à flairer sa proie ?
    Il faut que les noces de sang, les noces vermeilles, les noces
barbares s’accomplissent.
     
    Montanari discerne maintenant les corps, les armes et les
visages.
    La nuit n’est plus que débris d’un naufrage que noie la
lumière de l’aube. Devant la poterne, tout à coup, des cris, un attroupement,
deux silhouettes dont l’une, bras tendu, repousse de son épée les coups qu’on
veut leur porter.
    Montanari se précipite, dévale l’escalier, crie à

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