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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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saints qu’on voudrait. Condé avait résisté
davantage pour finir, à son tour, par renier sa foi.
     
    Ce furent là les deux seules grâces accordées par
Charles IX.
    Les gentilshommes huguenots des deux princes du sang et tous
ceux qui, il y avait à peine quelques heures, dansaient dans les salles du
Louvre, furent poussés un à un dans la cour où les Suisses les transpercèrent
de leurs piques, chaque corps crevé de si nombreux coups que le sang
jaillissait de toutes parts, ruisselant sur le pavé.
    Ils ont poursuivi un gentilhomme huguenot jusque dans la
chambre de Marguerite de Navarre où ce couard s’est caché sous elle, la tachant
de son sang. Je crois qu’elle a obtenu sa grâce, au moins pour quelques heures.
    On avait égorgé dans les couloirs du palais, dans les
jardins.
    On avait traqué ceux qui cherchaient à fuir dans les
combles, les souterrains.
    De sa fenêtre, le roi avait regardé cet abattage dans sa
cour et sur les rives de la Seine.
    — Bon chasseur ! ricanait Diego de Sarmiento.
    Il racontait comment le souverain avait tiré sur des
huguenots qui, sur la rive gauche, en face du Louvre, tentaient de quitter
Paris.
    — Il avait une grande arquebuse à giboyer, ajoutait
l’Espagnol. Et il criait : “Tuez, tuez, mort-Dieu ! Ils s’enfuient,
tuez !”
    Puis on a trouvé dans les couloirs du Louvre, non loin de la
chambre du monarque, une suivante de Catherine de Médicis éventrée, et la peur
a saisi le souverain, comme s’il craignait tout à coup ne plus pouvoir rappeler
les chiens qu’il avait lâchés, qu’ils n’obéissent plus, allant jusqu’à
massacrer et mutiler cette Isabelle de Thorenc, huguenote sans doute, mais
protégée de Catherine de Médicis et sœur de Bernard de Thorenc, proche de Diego
de Sarmiento.
     
    Le roi a en effet cessé de conduire la chasse aux huguenots.
    Mais le peuple, sorti du néant et de l’abîme où il se
terrait, a envahi les rues, éventrant les maisons de huguenots et leurs habitants.
    Au moins trois mille d’entre eux ont été ainsi d’abord
dénudés – leurs vêtements de bonne laine représentant un butin convoité
par ces gens de rien, vêtus de haillons – puis égorgés, dépecés,
détroussés de toutes leurs bagues et boucles, enfin laissés dans les rues pour
les chiens errants, ou jetés dans la Seine, ou déversés dans les fosses du
cimetière des Innocents, ou encore pendus à Montfaucon.
    Plus de six cents maisons ont été ainsi défoncées et pillées.
Ce n’est que le mardi 26 août que, sur ordre du roi, des potences ont été
dressées aux carrefours pour qu’y soient pendus les pillards.
     
    Mais le Saint Carnage et le Juste Pillage ont continué
jusqu’à aujourd’hui.
    Depuis les fenêtres de l’hôtel de Venise et dans les rues
que j’ai arpentées chaque jour, accompagné du secrétaire Leonello Terraccini,
j’ai vu des bêtes féroces à visages et à corps d’hommes.
    Les tueurs couverts de sang crevaient indistinctement le
ventre de l’enfant ou de la femme. Ils entraînaient des nourrissons aux langes
ensanglantés jusqu’au fleuve afin de les y précipiter. Ils faisaient éclater
les crânes à coups de gourdin.
    J’ai vu des huguenots agenouillés tenter de sauver leur vie
en offrant une bourse pleine de pièces d’or. Mais pourquoi accepter une rançon
alors qu’on peut prendre et la bourse et la vie ?
    On égorge et on vole. On pille.
    Les quarteniers guident les tueurs vers les maisons qu’ils
savent habitées par des huguenots. Ils consultent leurs registres, montent les
escaliers des hôtels jusqu’à ces chambres où loge un gentilhomme venu à Paris
pour le mariage de Henri, son seigneur huguenot, et de Marguerite de Valois, la
catholique.
    On tue.
     
    Rien de tout cela, Illustrissimes Seigneuries, ne devrait me
surprendre, puisque dans mes rapports précédents j’ai indiqué comment Diego de
Sarmiento préparait une battue. Une fois entrés dans la nasse, enfermés dans la
ville, les huguenots seraient frappés comme des bêtes prises au fond d’un sac.
    Mais il y a loin des mots à l’odeur et à la couleur du sang.
Et on a du mal à imaginer les rues d’une ville transformées en ruisseaux
rouges, ou bien ce peuple que l’on croyait contenu, soumis, mué tout à coup en
horde rugissante, en meute de tueurs travaillant avec ardeur et rage à
massacrer ses voisins, à percer les corps de nourrissons, à éventrer femmes et
vieillards.
    Cela s’est fait.

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