Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Perceval Le Gallois

Perceval Le Gallois

Titel: Perceval Le Gallois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
Vom Netzwerk:
option, qui n’appartient qu’au Bavarois Wolfram von Eschenbach, se présente comme une adaptation, voire une traduction (manifeste pour certains épisodes) du Conte du Graal de Chrétien de Troyes. Mais le modèle est largement dépassé et complété par une série d’apports hétéroclites dont les connotations sont indubitablement orientalistes et ésotériques, pour ne pas dire occultistes. C’est la version la plus troublante, la plus énigmatique, mais aussi la plus ambiguë, donc la plus susceptible de susciter les interprétations les plus louches. Autre grand atout du Parzival de Wolfram von Eschenbach, il est une œuvre littéraire hors du commun, probablement le plus beau texte médiéval consacré au Graal. Le héros n’y est plus exclusivement le nice de Chrétien de Troyes : il est désormais le dépositaire d’une tradition sacrée, même s’il l’ignore au départ, être le mainteneur d’un sang royal , d’une lignée sacrée qui remonte à la nuit des temps et qui doit se prolonger dans les siècles à venir. D’ailleurs, sa postérité – légendaire, il va de soi – est on ne peut plus caractéristique : il sera le père de Lohengrin, le Chevalier au Cygne, lui-même ancêtre mythique de Godefroy de Bouillon et de la famille de Lorraine ; les Guise, au XVI e siècle, s’en souviendront lorsqu’ils se présenteront comme les authentiques héritiers du trône de France, face aux Valois dégénérés. Car le concept de race pure apparaît dans toute sa clarté dans le récit de Wolfram von Eschenbach : les gardiens du Graal, qu’il appelle des Templiers (simple actualisation, les Templiers n’ayant rien à voir ni avec le Graal ni avec l’Allemagne), appartiennent en effet à une lignée qui ne tolère pas de mésalliance, et c’est pour avoir enfreint cet interdit qu’Amfortas, le Roi Pêcheur, souffre d’une blessure incurable. Étrange atmosphère que celle de la cour de Montsalvage (4) où est gardé le Graal, et où les Templiers, une élite choisie de façon surnaturelle, ont pour mission d’écarter les intrus éventuels, voire même de les éliminer. Autour du Graal, on n’admet pas de sous-hommes. Et c’est sur ce royaume que régnera Parzival. Assurément, un monde sépare cette conception élitiste et raciste d’un secret jalousement réservé à des privilégiés et la notion d’amour universel des êtres et des choses que suppose la version classique de la Quête du Graal (5) .
    L’option de Chrétien de Troyes privilégiait un héros ignorant plongé contre son gré dans des marécages et parvenant à s’en sortir pour découvrir des chemins conduisant à la lumière. Mais comme Chrétien n’a pas achevé son œuvre, ce sont ses continuateurs qui ont fait du Perceval primitif un héros chrétien, ce qu’il n’était assurément pas au départ. L’option de Wolfram von Eschenbach conserve précieusement le christianisme du héros, mais elle l’altère en y intégrant des notions alchimiques et ésotériques, des réminiscences empruntées aux traditions iraniennes et même bouddhiques, une formulation synchrétique à laquelle participe la mystique musulmane par l’intermédiaire de l’Espagne. Il s’agit là, de toute évidence, d’une version intellectuelle, tandis que la troisième option nous renvoie au cœur même du mythe primitif.
    L’option galloise de Peredur est incontestablement d’essence populaire. Quelle qu’en soit la date de composition (le manuscrit est du XIII e siècle, mais les archaïsmes y abondent), quelque influence qu’aient exercée sur lui certains épisodes de Chrétien de Troyes, quelque pesanteur qu’il doive à la civilisation anglo-normande, le roman conserve un schéma typiquement celtique. S’il fait parfois référence au dieu du christianisme, le héros n’en demeure pas moins profondément « païen » au sens strict du terme. Et là, le Graal n’est pas une coupe d’émeraude contenant le sang du Christ mais un plateau sur lequel une tête d’homme coupée baigne dans le sang. D’ailleurs, il n’est jamais dit que Peredur devienne le Roi du Graal : sa quête, fort complexe, et parallèle à celle de Gauvain, le mène à accomplir une vengeance rituelle par le sang. Est-ce l’image du Graal primitif avant l’invasion des spéculations gnostiques et la récupération chrétienne ? Peut-être. En tout cas, le mérite de Peredur est de nous renvoyer à une tradition ancrée dans l’inconscient

Weitere Kostenlose Bücher