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Petite histoire de l’Afrique

Petite histoire de l’Afrique

Titel: Petite histoire de l’Afrique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Catherine Coquery-Vidrovitch
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davantage de femmes, et que les femmes avaient, dans l’organisation de la société, un rôle original majeur.Quelles que soient la zone climatique et l’idéologie dominante, animiste ou musulmane, on retrouve globalement les mêmes caractéristiques.
    La clé était partout la même : la division sexuelle des tâches. Sauf exception, aux hommes revenaient les travaux de force (l’abattage d’un seul arbre pouvait exiger de deux hommes une journée de travail continu), la guerre, l’édification de la tente ou la construction de la maison (quoique en Afrique australe cette tâche incombât aux femmes), la chasse et la pêche, la politique ; aux femmes, la subsistance — depuis les semailles jusqu’au transport dans les greniers et les cuisines — et bien entendu l’éducation des enfants, avec un taux de fécondité naguère proche du maximum biologique, soit, en moyenne, un enfant tous les trois ans. Les femmes jouissaient d’une certaine autonomie puisque, avec leurs jeunes enfants, elles vivaient dans un monde séparé de celui des hommes ; elles travaillaient, mangeaient, se distrayaient ensemble, dans une vie souvent collective mais aussi inégalitaire : la mère du mari régentait ses épouses, la première épouse avait barre sur les plus jeunes. La différence était que les hommes légiféraient pour l’ensemble du groupe, tandis que les femmes n’avaient de pouvoir que sur elles-mêmes. L’idéologie de la supériorité masculine existait partout, y compris dans les sociétés dites matrilinéaires — à l’origine les plus fréquentes —, qui garantissaient néanmoins à l’épouse une autonomie réelle au sein du ménage, car elle continuait de dépendre de son propre lignage. Les enfants du couple lui appartenaient et revenaient aussi à son lignage : si elledivorçait, elle les emmenait avec elle. Enfin, si elle gagnait sa vie, elle pouvait disposer de ses gains ou les remettre à sa propre famille et non à celle de son mari.
    En ce cas, la transmission se faisait alors non pas de père en fils, mais de l’oncle au fils de sa sœur (dit neveu utérin) ; autrement dit, l’héritage transitait par les femmes. Cela conférait à la femme non le pouvoir, mais la capacité de transmettre le pouvoir aux mâles de la famille. Ce privilège de « mère de chef » a pu jouer un rôle important. Compte tenu du nombre élevé d’enfants des deux sexes à chaque génération, dont un certain nombre arrivait à l’âge adulte, il y eut aussi des problèmes d’héritage complexes, qui reliaient entre eux de très nombreux lignages, et engendrèrent nombre de guerres picrocholines. D’où l’effort des colonisateurs pour favoriser l’héritage patrilinéaire, plus favorable à l’investissement direct et donc à la transmission des cash crops .
    Le mariage était un contrat à la fois politique, économique et social et non un sacrement, comme dans les religions monothéistes. La valeur d’une femme dépendait à la fois de sa fécondité et de sa force de travail. La femme était (et reste) glorifiée en qualité de mère, symbole et réalité de la fécondité, comme dans toutes les sociétés agraires. Certes, la naissance d’une fille était moins nécessaire que celle d’un garçon, parce que c’est à celui-ci que revenait la charge religieuse primordiale : le culte des ancêtres, intercesseurs nécessaires entre les hommes et les divinités, ancêtres qu’il fallait convaincre, pacifier, bref honorer, sous peine des pires malédictions.Mais la condition féminine était globalement moins handicapante que dans les sociétés asiatiques. À la différence des sociétés chinoise ou indienne, avoir une fille n’était pas une catastrophe mais un gage de richesse ; pour la famille, c’était une promesse de travail et la garantie d’avoir des enfants. Une cultivatrice ne pouvait travailler à la houe guère plus de 2,5 ha par an ; avoir plus de femmes c’était avoir plus de terres et plus d’enfants, donc un lignage plus fort. C’est pourquoi la compensation matrimoniale , à la différence de la dot de nos sociétés occidentales (ou de l’Inde), était versée par la famille de l’époux à celle de la fiancée, puisque sa famille allait la perdre.
    Le travail rural des femmes, très dur, pouvait être allégé par la polygamie. Mais celle-ci était limitée, peu de paysans ayant les moyens de s’offrir une deuxième femme. Pendant la colonisation, les

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