Petite histoire de l’Afrique
quelques kilomètres de la cité autochtone de Djenné-Djéno, plus ancienne de plus d’un millénaire 1 . De là, après un nouveau transbordement, le réseau des marchands islamisés, dits « dioula », diffusait le sel en provenance du désert (tout comme il diffusa le modèle de la mosquée de Djenné au style dit « soudanais ») dans tout l’Ouest africain. Le contrôle de ce commerce nord-sud était entre les mains des souverains du sahel. C’est pourquoi l’islam de cour allait dominer au sein des royaumes du Soudan occidental qui se succédèrent dans la zone sahélienne jusqu’au XVIII e siècle, en se propageant progressivement vers l’est : Ghana aux XI e et XII e siècles, Mali aux XIII e et XIV e siècle, Songhaï de Gao aux XV e et XVI e siècles, cités haoussas ensuite (au nord du Nigeria actuel), jusqu’à leur conquête lors du djihad mené par Ousmane dan Fodio à l’aube du XIX e siècle. Les cités du sahel furent d’importants foyers de savoir musulman, ce qui les rendit célèbres ; ainsi, Tombouctou fit rêver les Européens jusqu’à ce que le Français René Caillié y mît les pieds le premier, en 1828 seulement.
Source : C. Coquery-Vidrovitch, Afrique noire, permanences et ruptures , L’Harmattan, 1983.
L’Afrique politique X e - XVI e siècle
La conversion ancienne des élites soudaniennes à l’islam impliquait d’elles qu’elles remplissent une des obligations de tout musulman : effectuer au moins une fois dans sa vie le pèlerinage à La Mecque. Plusieurs mois, voire plusieurs années, étaient alors nécessaires aux caravaniers pour traverser le désert et accomplir leur devoir pieux. La piste privilégiée passait par le lac Tchad et, de là, ralliait Le Caire. Il ne restait plus ensuite qu’à traverser la mer Rouge et affronter le désert arabique… On ignore combien d’Africains originaires de l’Ouest se lancèrent dans cette expédition longue, difficile et dangereuse ; mais on connaît, par les voyageurs arabes, les récits des plus célèbres d’entre eux, si célèbres à l’époqueque l’un de ces récits au moins (et ce n’était pas le premier) parvint grâce au bouche à oreille à un cartographe majorquin ( Atlas catalan de Charles V, 1375) : le pèlerinage de Kankan Moussa, souverain du Mali, en 1346. Il y eut aussi celui, non moins fameux, de l’Askya Mohamed du Songhaï un siècle et demi plus tard (1495-1496). Ces souverains étaient partis avec une escorte de plusieurs milliers de suivants et d’esclaves. Mais combien d’inconnus ont pris le même chemin au fil des siècles ? On connaît fort peu de choses là-dessus. On sait que El-Hadj Omar, grand conquérant du XIX e siècle issu du Fouta-Toro sur le fleuve Sénégal, fut aussi un érudit qui passa plusieurs années au Proche-Orient et séjourna à Jérusalem (1828-1830), d’où il fit trois fois le pèlerinage à La Mecque. Une enquête orale réalisée en 1965 a recueilli le témoignage d’un vieil homme qui avait fait le pèlerinage trois fois : la première à pied avant la Première Guerre mondiale, la deuxième — la plus dangereuse, car des brigands, nombreux et agressifs, le capturèrent à plusieurs reprises — en camion entre les deux guerres, et la dernière fois en avion, voyage offert par ses enfants dans les années 1950.
La diffusion culturelle entre l’Égypte et l’Afrique subsaharienne fut donc bien plus importante qu’on l’a longtemps cru. On discute aujourd’hui des influences réciproques qui ont pu en découler : ainsi, par exemple, l’idée fut émise que la langue wolof (parlée au Sénégal) aurait des origines hiéroglyphiques ; on a aussi remarqué des similitudes entre les coiffures tressées féminines d’un bout à l’autre des pistes du pèlerinage. Par ailleurs,certaines structures politiques rurales font probablement partie de cet héritage.
Du commerce de l’or aux grandes traites esclavagistes : XII e - XVIII e siècle
L’histoire de cette période est inégalement connue. Les sources archéologiques n’en ont pas encore révélé toute la richesse, et les textes écrits ne la décrivent que partiellement : les sources en arabe ne concernent en effet que les zones touchées par l’islam, c’est-à-dire l’ensemble de l’espace sahélien et la côte orientale d’Afrique, jusqu’à l’îlot de Mozambique (au nord du futur État du même nom), ainsi que la grande île de Madagascar.
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