Piège pour Catherine
?
Parce que cela n'aurait servi à rien. Quand il s'agit d'amour, tu fonds comme du beurre au soleil. Seule ment aujourd'hui c'est plus grave.
Le page n'aura pas eu le temps de remonter...
— Va me chercher Nicolas Barrai ! Il faut essayer de le retrouver cette nuit même ! Demain, la ville sera investie complètement : Bérenger ne pourra plus rentrer.
Sans protester, Sara s'en alla chercher le sergent qu'elle découvrit sans veine près de l'un des feux du rempart. Mais, introduit chez la châtelaine, Nicolas se déclara impuissant à retrouver le page pour le moment.
— La nuit est trop noire, Dame Catherine. Le Diable lui-même ne s'y retrouverait pas ! Tout ce que je peux faire c'est laisser un guetteur à la poterne. Le page appellera pour qu'on lui ouvre. Et s'il n'est pas rentré au petit jour, je verrai à tenter une courte sortie pour faire quelques recherches aux environs de la porte. Mais êtes- vous sûre qu'il soit du côté de Vieillevie ?
— C'est ce que prétend Sara !
— Alors, ce doit être vrai. Elle ne se trompe jamais...
Ce fut dit avec une onction, une gravité qui firent ouvrir de grands yeux à la jeune femme. C'était, décidément, le soir des surprises. Allait-elle découvrir maintenant que le chef de ses archers était amoureux de Sara ? Après tout, cela n'aurait rien de bien étonnant. La maturité de sa « nourrice » avait une plénitude, une ampleur de formes drues tout à fait capables d'inspirer les rêveries de ce vigoureux fils de la montagne...
Nicolas renvoyé à ses occupations, Catherine laissa Sara la dépouiller de sa robe, de sa chemise et de la longue bande de toile fine qu'elle serrait autour de ses seins quand elle devait sortir à cheval.
Puis, avec un frisson de plaisir, elle se glissa dans la longue robe doublée de fourrure dont la soyeuse douceur caressait sa peau nue de la nuque aux genoux. C'était la plus confortable de ses robes et elle aimait la porter, le soir, après une journée au grand air ou les fatigues d'une chasse. Elle s'y trouvait bien mais, ce soir, elle regretta de l'avoir mise aussitôt qu'elle l'eut passée. Cette robe, audacieusement fendue d'un côté et faite pour l'intimité d'un couple, lui rappelait trop de choses... trop de choses
trop douces ! Le contact sensuel de la fourrure sur sa peau en évoquait un autre de façon presque insupportable et, dans les plis de velours de ce vêtement, une odeur se mêlait à son parfum de femme, une odeur mâle qui, ce soir, devenait cruelle. Le vieux sanglier n'avait-il pas osé prétendre qu'« Il » ne reviendrait plus... que sa voix, ses mains, son corps ne hanteraient plus jamais cette chambre ?
— Enlève-moi cette robe ! cria Catherine. Donne- moi celle que tu voudras... n'importe laquelle... mais pas celle-là !
Elle serrait les dents pour ne pas hurler, les paupières pour ne pas libérer les larmes qui s'y pressaient, tremblant de tout son corps soudain malade d'amour, d'angoisse et de peur. Elle avait envie de se jeter hors de cette pièce, de sauter à cheval et de galoper droit devant elle, au bout de la nuit, au bout de sa peur, de galoper sans trêve ni repos pour échapper à ce cauchemar qui la retenait prisonnière...
galoper jusqu'à son époux, jusqu'à ce qu'elle puisse s'abattre sur sa poitrine, même si c'était pour y mourir...
Mais, déjà, Sara, épouvantée par le cri qu'elle avait poussé, se précipitait, arrachait presque la robe grise. Un instant, elle scruta le visage crispé de la jeune femme qui tremblait, nue devant elle.
Aucune explication n'était nécessaire : elle la connaissait si bien.
Prenant dans ses deux mains les douces épaules agitées par une brusque déflagration nerveuse, elle les secoua doucement.
— Calme-toi ! dit-elle avec beaucoup de tendresse.
Puis, avec une force soudaine :
— ...Il reviendra !...
— Non... non ! Bérault d'Apchier me l'a jeté au visage. Je ne reverrai jamais Arnaud. C'est pourquoi il a osé attaquer.
C'est un piège grossier. Et tu devrais avoir honte de t'y laisser prendre.
Je te dis, moi, qu'il reviendra. T'ai-je jamais trompée ? Ne sais-tu pas que, parfois, le grand voile de l'avenir se soulève pour moi ? Ton époux reviendra, Catherine ! Tu n'as pas encore fini de souffrir par lui.
— Souffrir ?... S'il revient vivant, comment pourrait-il me faire souffrir ?
Sara préféra couper court à la discussion. Elle jetait déjà par-dessus la tête de Catherine une robe de moelleux blanchet,
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