Piège pour Catherine
ce drap blanc épais et léger tissé par les femmes de Valenciennes et dont les comptoirs de Jacques Cœur ne laissaient jamais manquer la dame de Montsalvy. Avec décision, elle en coulissa les cordons de soie autour des poignets et du cou de Catherine dont la panique, peu à peu, se calmait.
— Voilà ! Tu as tout à fait l'air d'une nonne. C'est juste la tenue qu'il te faut ce soir, fit Sara en riant. Et maintenant, viens embrasser les petits et au lit ! Je t'apporterai des châtaignes cuites dans du lait et de la vanille avec beaucoup de sucre... si toutefois Michel n'a pas tout mangé.
Apaisée, Catherine se laissa conduire dans la pièce voisine qui était dévolue à Sara et aux enfants. Le feu y brûlait et aussi, au chevet du grand lit à rideaux rouges, une petite lampe à huile dont la flamme éclairait doucement la tête blonde d'un petit garçon endormi, tout perdu dans l'immensité des draps neigeux et de la courtepointe pourpre. Il avait d'épaisses boucles blondes qui brillaient comme les copeaux d'or et de longs cils foncés qui mettaient une ombre douce sur ses joues rondes. Sa bouche entrouverte avait laissé échapper le pouce qu'il avait sucé en s'endormant. Son autre main, posée sur le drap, avec ses petits doigts roses écartés, avait l'air d'une étoile de mer.
Le cœur fondu de tendresse, Catherine prit la menotte, y posa un baiser précautionneux, puis la rangea doucement dans la chaleur des couvertures. Ensuite, elle se tourna vers sa fille.
De l'autre côté de la veilleuse, dans le grand berceau de châtaignier, tourné à la main, où Arnaud avait poussé ses premiers hurlements, Isabelle de Montsalvy, dix mois, dormait avec une grande dignité.
Elle ressemblait d'une façon étonnante à son père dont elle avait les yeux noirs. Son minuscule visage troué de fossettes offrait déjà les traits les plus impérieux du visage paternel et la grosse mèche soyeuse qui bouclait hors du béguin de batiste et retombait jusque sur le petit nez était du plus beau noir. Les poings bien serrés, Isabelle semblait s'appliquer à dormir sérieusement, mais ce n'était qu'une apparence car, éveillée, c'était un bébé d'une grande gaieté, dont toute la maison raffolait et qui en profitait d'ailleurs pour tyranniser son monde.
Chacun savait déjà que c'était une fille qui saurait se défendre dans la vie et si, parfois, en regardant les yeux rêveurs de son fils, Catherine éprouvait une crainte passagère qu'il fût trop tendre et trop doux, elle était pleinement rassurée en ce qui concernait Isabelle. Son œil déjà frondeur parlait pour elle.
Entre le lit et le berceau, la jeune femme s'agenouilla et pria, avec une sorte de passion, pour que le danger s'éloigne de cette chambre, de ces lits, de ces têtes enfantines confiées à sa seule garde.
« Faites, mon Dieu... faites, je vous en supplie, qu'il ne leur arrive rien ! Ils sont si petits ! Et la guerre est une chose si affreuse, si cruelle... et tellement aveugle ! »
Sa prière, débordant les limites de la chambre, englobait maintenant tous ces enfants et toutes ces mères qui étaient venus, tout à l'heure, à l'appel de la cloche, abriter leurs faibles vies derrière les murailles de Montsalvy. Elle avait donné des ordres pour qu'on les installe au mieux, le plus confortablement possible, car elle se sentait sœur de ces autres mères. Châtelaine ou bergère, la vieille peur viscérale était la même devant les armes et le danger couru par les enfants. Une peur que les hommes éprouvaient peut-être, mais qui était moins forte que leur ancestrale passion pour le combat.
Comme une réponse à l'interrogation angoissée qu'elle adressait au ciel, le cri des guetteurs se répondant d'une tour à l'autre lui parvint.
Sur les murs de la ville, les soldats de Nicolas faisaient bonne garde et, bientôt, peut-être, les hommes d'armes du comte d'Armagnac arriveraient pour chasser les fauves aux longues dents. La horde de Bérault d'Apchier ne saurait leur résister longtemps et les mères de Montsalvy pourraient à nouveau dormir en paix et, oubliant leurs alarmes, retourner aux affaires sans danger de leurs ménages...
Emportant cette pensée consolante, Catherine, sur un dernier signe de croix, se releva et quitta la chambre des enfants.
— Le messager !... Il est mort !... On l'a tué !...
La voix angoissée de Sara déchira les dernières brumes de sommeil où Catherine s'attardait dans le creux chaud de son
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