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Piège pour Catherine

Piège pour Catherine

Titel: Piège pour Catherine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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lit.
    D'un seul coup la châtelaine se retrouva plongée au cœur même de l'univers menaçant dont elle avait eu tant de peine à se défaire la veille au soir. Ses paupières s'ouvrirent sur le visage penché de Sara.
    C'était un visage gris, pétrifié par l'horreur, couleur de granit. La voix de Catherine eut du mal à sortir :
    — Qu'est-ce que tu dis ?
    —
    Que le frère Amable a été assassiné. Les hommes de Bérault l'ont pris, massacré...
    — Comment le sait-on ? A-t-on retrouvé son corps ?
    Sara eut un rire amer.
    —
    Le corps ? Toute la ville à l'heure qu'il est se presse sur le rempart pour le voir. Bérault d'Apchier l'a fait pendre à un croc de boucher, à l'angle de la première maison du barri Saint Antoine !
    Pauvre ! Il est tellement percé de flèches qu'on dirait un hérisson... et l'une d'elles fixe ta lettre sur sa poitrine.

    Les jambes fauchées par l'émotion, la pauvre femme se laissa tomber sur un coffre, serrant l'une contre l'autre ses mains qui s'étaient mises à trembler. Elle gémit, d'une voix qui n'était pas la sienne, une voix changée que Catherine ne reconnaissait pas.
    — Ce sont des démons... Des suppôts de Satan ! Ils nous dévoreront tous...
    La jeune femme, qui avait déjà sauté à bas de son lit et fourrageait dans un coffre à la recherche d'une robe, s'arrêta un instant pour la regarder, incrédule :
    — Toi, Sara, tu as peur ?
    Ce n'était pas une interrogation, mais une constatation stupéfaite.
    Jamais de toute sa vie, même dans les moments les plus difficiles, Catherine ne se souvenait d'avoir vu à sa vieille amie ce visage de cendres, ce regard traqué, cette bouche tremblante. C'était tellement inattendu, tellement fou qu'à son tour elle se sentit vaciller : si son meilleur rempart s'écroulait, de quelles armes habillerait-elle son courage aux heures les plus noires ?
    Désespérée, prête à pleurer, elle répéta, comme si elle ne parvenait pas à y croire :
    — Tu as peur !
    Sara cacha sa figure dans ses mains et se mit à pleurer, de honte autant que de panique.
    — Pardonne-moi ! Je sais que je te déçois... mais si tu avais vu...
    — Je vais voir...
    Emportée par une subite colère, Catherine enfila une robe au hasard, glissa ses pieds dans des bottes souples et, sans même prendre la peine d'attacher ses cheveux, s'élança hors de sa chambre, dégringola le large escalier à vis et se jeta au-dehors.
    Comme une tempête, la masse claire de sa chevelure dansant dans son dos, elle traversa la vaste cour sans rien en voir, faillit renverser Josse qui rentrait, n'entendit rien des paroles qu'il lui adressa. Elle était déjà dans la grand-rue, courant de toutes ses forces, ses jupes relevées jusqu'aux genoux pour aller plus vite. Jamais elle n'avait éprouvé fureur comparable à celle qui la soulevait ainsi. Elle ne savait pas ce qu'elle allait faire, ni pourquoi elle courait, mais elle était poussée par une force inconnue qui l'arrachait de son personnage habituel, en faisait une créature différente, pleine de violence et de fureur, que seul le sang pourrait apaiser.

    Elle Surgit sur le rempart, se jeta dans la foule silencieuse qui l'encombrait et qui, machinalement, s'écarta devant elle. Et cette foule-là non plus elle ne la reconnut pas : tous les visages avaient la même teinte grise que celui de Sara, tous les yeux étaient vides, toutes les bouches sans voix.
    Quelqu'un balbutia d'un curieux timbre enroué :
    — L'homme de Dieu... Il est mort.
    Il était mort, en effet. Comme l'avait dit Sara, le pauvre moine, criblé de flèches, pendait à son croc de boucher dans sa bure noire raidie de sang séché, terrifiant et grotesque avec ses grands pieds aux orteils tordus par le dernier spasme. Les quelques mots balbutiés par la voix anonyme avaient fait toucher à la dame de Montsalvy la terreur qui pétrifiait ses gens : la victime était un homme de Dieu ! L'énormité du crime dépassait tous les entendements et laissait toutes ces créatures simples sans voix et sans réactions.
    Là-bas, près du cadavre, face à cette ville frappée de stupeur, deux soudards ricanaient en se curant les dents.
    Dans le vent aigre du plateau, Catherine, hors d'elle, cria :
    — Oui, il est mort ! On nous l'a tué ! Et vous, allez- vous rester là à le regarder sans rien faire ?
    Avant que personne eût prévu son geste, elle avait arraché un arc à l'un des soldats. Sa colère, décuplant ses forces, lui permit de tendre

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