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Piège pour Catherine

Piège pour Catherine

Titel: Piège pour Catherine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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montre, c'est moi qui l'abattrai, déclarat-elle d'une voix tranquille.
    Un pied sur l'échancrure de pierre, elle tendit lentement la corde, sans aller au bout de ses forces. Le mince arc de frêne se courba à demi. Dans cette position, elle attendit.
    Le camp, là-bas, était étrangement silencieux. Personne ne se montrait. Rien ne bougeait. Mais, derrière le retranchement de branchages recouvert de peaux fraîchement écorchées que les routiers avaient construit pour protéger leurs tentes, on sentait les regards aiguisés, les souffles retenus. Près du cadavre du moine, les corps des deux soldats étoilaient la terre noire.
    La procession franchit le pont. Les chants s'étouffèrent un instant sous le couvert de la muraille et de la barbacane, puis éclatèrent de nouveau, libérés, annonçant la Divine colère.
    Die,s irae, clies illa
    Solve saeclum in favilla...
    Mais ils n'avancèrent pas davantage. Et même ils refluèrent sous un ordre bref de leur supérieur.
    — Reculez derrière les murs. Que l'on relève le pont !...
    Étonnée, Catherine laissa mollir la corde, se pencha. Hors des murs, il n'y avait plus que l'abbé, si mince et si frêle, tendant vers le ciel gris ses mains qui portaient un soleil. Trois moines seulement apparurent derrière lui. Deux avec une civière, un avec une échelle.
    Et, comme il l'avait ordonné, le pont se relevait lentement.

    — Il ne veut pas mettre la ville en danger, souffla Josse qui, le visage tendu, se tenait derrière Catherine. Mais il risque gros !
    Allez dire qu'on ne referme pas le pont. Nous devons prendre notre part de ce risque ! En outre, placez des hommes armés aux fenêtres des premières maisons de la rue !
    L'ancien truand dégringola quatre à quatre et Catherine ramena son attention vers l'abbé.
    Il s'avançait sans se presser, la civière sur les talons. Le vent s'engouffrait dans la chasuble couleur d'améthyste qui claquait autour de son corps maigre, comme un drapeau autour de sa hampe. Les nuages, chassés par le vent d'ouest, couraient vers les solitudes de l'Aubrac dont les brumes incessantes brouillaient l'horizon de l'autre côté du grand ravin où grondait la Truyère. Ils passaient si bas sur le plateau qu'ils semblaient vouloir cacher ce petit prêtre imprudent qui s'en allait chasser le fauve à face humaine avec un soleil d'or pur au bout des doigts.
    Quand il parvint près du cadavre, quelque chose bougea dans le camp. À l'entrée du retranchement, une silhouette massive apparut et se tint immobile. Catherine reconnut Bérault d'Apchier et dirigea vers lui la pointe de sa flèche, car il était armé. Ses longs bras s'appuyaient sur une grande épée nue, mais il n'avança pas davantage.
    — Va-t'en, l'abbé ! cria-t-il. Ceci est ma justice ! Tu n'as pas à t'en mêler !.
    — Ceci est l'un de mes fils que tu as mis à mal, Bérault d'Apchier.
    Je viens le reprendre. Et ceci est ton Dieu, mis en croix par tes semblables. Frappe si tu l'oses et cherche ensuite une forêt assez profonde, un lieu assez secret pour y cacher ton crime et ta honte, car tu seras maudit sur la terre et dans le ciel jusqu'à la consommation des siècles ! Viens ! Approche ! Qu'attends-tu ?... Regarde mieux ! C'est de l'or que je porte, cet or que tu aimes tant et que tu es venu chercher de si loin. Il est à portée de ta main. Tu n'as qu'à lever cette grande épée qui te sert si bien.
    Laissant les trois hommes dépendre le cadavre et l'étendre tant bien que mal sur la civière, ce qui n'était guère facile à cause des flèches qui le hérissaient, l'abbé, téméraire, s'avança vers le camp, élevant toujours l'ostensoir. Mais à mesure qu'il avançait, le vieux for- ban sembla se recroqueviller, tel le Diable de la légende qu'un seau d'eau bénite réduit à l'état de nain. Il tremblait comme feuille au vent d'automne et, un instant, on put croire qu'il allait céder aux vieilles forces obscures, réminiscences des temps éblouis de l'enfance, et plier ses genoux raidis par l'orgueil et les rhumatismes. Mais derrière lui se pressaient maintenant ses fils, son bâtard et la figure narquoise de Gervais Malfrat. L'amour-pro- pre le maintint debout, malgré les craintes d'un au-delà dont son âge le faisait proche.
    — Va-t'en, l'abbé ! répéta-t-il, mais sur un ton très différent où entrait de la lassitude. Emporte ton moine. La nuit tous les chats sont gris. Il était mort quand nous avons vu ce qu'il était. Mais ne crois pas que je

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