Piège pour Catherine
fasse passer par ici...
Le fabuleux soleil fascinait Catherine qui ne pouvait en détacher ses yeux. Cette légende, dont parlait l'abbé, personne jusqu'à présent ne la lui avait contée. Peut-être parce qu'elle n'était encore qu'une châtelaine de trop fraîche date. Mais Arnaud, sans doute, la connaissait et lui non plus n'avait rien dit... Il y avait là un mystère.
— Mon Père, articula-t-elle nettement, me direz- vous qui est « il »
?... — Oui, je vous le dirai, mais tout à l'heure. Il ne faut pas nous attarder ici. On pourrait nous chercher. Venez, vous n'avez pas encore vu ce qui est le plus important pour vous.
Il se dirigeait déjà vers une étroite ouverture pratiquée dans l'un des piliers, une porte dont le battant de pierre demeurait ouvert et d'où partaient les coups sourds qui continuaient à se faire entendre. Mais elle le retint.
— Le puits '? demanda-t-elle. Où est-il ? Je ne le vois pas.
— Là, répondit l'abbé en désignant sous l'escalier une mince ouverture grillée. Si vous approchez de cette espèce de meurtrière, avec une lumière, vous verrez l'eau briller presque sous vos yeux, mais c'est, je pense, inutile.
Sans rien ajouter, il s'engagea dans l'ouverture. C'était celle d'un long souterrain qui semblait remonter en pente douce vers la surface.
Le bruit de l'eau courante s'y fit plus fort, comme si un ruisseau coulait de l'autre côté du mur de gauche. De loin en loin, une large marche se dessinait, basse et plate, dallée de schiste comme tout le long couloir dans lequel s'échelonnaient des tas réguliers de décombres.
Soudain, une lumière jaune brilla, celle de deux torches fichées dans le mur, et, sous cet éclairage, Catherine vit deux moines armés de pelles et de pioches qui, les manches retroussées, attaquaient vigoureusement un éboulis rocheux qui obstruait complètement le souterrain.
À l'aide d'une brouette, ils déblayaient au fur et à mesure et formaient d'autres tas. Cette fois, l'abbé n'attendit pas que sa compagne posât des questions. Il s'arrêta et, lui désignant les travailleurs, il expliqua :
Ce souterrain, dit-il, reliait jadis l'abbaye à l'ancien château des Montsalvy, au Puy de l'Arbre. Il débouchait sous la chapelle par un mécanisme semblable à ceux qui commandent la dalle du cloître et l'ouverture du pilier. Mais quand les troupes royales ont détruit et brûlé le château, il y a quatre ans, tout s'est brisé et les décombres ont en partie obstrué le souterrain. Mes frères sont, vous le voyez, occupés à l'ouvrir de nouveau. C'est par là que vous quitterez la ville, très prochainement, je l'espère, car nous sommes presque au bout : la nuit prochaine, peut-être, ou celle d'après. Il faut faire vite. Un instant, Catherine contempla en silence les hommes au travail. L'un d'eux était le frère Anthime, le trésorier du monastère qu'elle connaissait bien.
L'autre était le frère Joseph : c'était sans doute le plus vigoureux et le plus doux des moines... mais il était sourd et muet.
— Le frère Joseph ! murmura-t-elle. C'est à cause de son infirmité que vous l'avez choisi ? A cause du secret ?
— Oui. Quant au frère Anthime, il me succédera, si Dieu lui prête vie, à la tête de l'abbaye. Je pouvais le lui révéler. D'ailleurs, il est de la race des martyrs qui, même dans les tourments, ne parlent jamais.
La jeune femme hocha la tête.
— Je comprends ! dit-elle. Mais une chose m'inquiète, cependant.
Le camp d'Apchier est établi entre les murs de la ville et les ruines du Puy de l'Arbre. Comment pouvez-vous être certain de ne pas attirer l'attention des assaillants lorsque vous arriverez à la surface ? Rien que le bruit des pioches doit pouvoir s'entendre...
— Non. Nous sommes trop bas pour être entendus. Quant à la surface, nous n'irons pas jusque-là : ce serait trop long et trop dangereux. À la hauteur de la sixième marche de l'escalier s'ouvre un couloir rocheux. Le ruisseau qui alimente le puits l'a creusé jadis et il coule encore au fond, mais on peut le suivre et remonter ainsi jusqu'à une grotte bien cachée où le ruisseau surgit des profondeurs de la terre. Vous sortirez par cette grotte, hors de vue de l'ennemi. Frère Anthime vous accompagnera. Il vous fera longer le Goul, puis le val d'Embène d'où vous gagnerez Carlat, tandis qu'il reviendra. Bien sûr, il vous faudra marcher et le chemin sera rude : huit lieues par des sentiers muletiers, mais je crois que
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