Pilote de guerre
comprendre son architecture.
La contemplation de Dieu fondait les hommes égaux, parce qu’égaux en Dieu. Et cette égalité avait une signification claire. Car on ne peut être égal qu’en quelque chose. Le soldat et le capitaine sont égaux en la nation. L’égalité n’est plus qu’un mot vide de sens s’il n’est rien en quoi nouer cette égalité.
Je comprends clairement pourquoi cette égalité, qui était l’égalité des droits de Dieu au travers des individus, interdisait de limiter l’ascension d’un individu : Dieu pouvait décider de le prendre pour route. Mais, comme il s’agissait aussi de l’égalité des droits de Dieu « sur » les individus, je comprends pourquoi les individus, quels qu’ils fussent, étaient soumis aux mêmes devoirs et au même respect des lois. Exprimant Dieu, ils étaient égaux dans leurs droits. Servant Dieu, ils étaient égaux dans leurs devoirs.
Je comprends pourquoi une égalité établie en Dieu n’entraînait ni contradiction, ni désordre. La démagogie s’introduit quand, faute de commune mesure, le principe d’égalité s’abâtardit en principe d’identité. Alors le soldat refuse le salut au capitaine, car le soldat, en saluant le capitaine, honorerait un individu, et non la Nation.
Ma civilisation, héritant de Dieu, a fait les hommes égaux en l’Homme.
Je comprends l’origine du respect des hommes les uns pour les autres. Le savant devait le respect au soutier lui-même, car à travers le soutier il respectait Dieu, dont le soutier était aussi l’Ambassadeur. Quelles que fussent la valeur de l’un et la médiocrité de l’autre, aucun homme ne pouvait prétendre en réduire un autre en esclavage. On n’humilie pas un Ambassadeur. Mais ce respect de l’homme n’entraînait pas la prosternation dégradante devant la médiocrité de l’individu, devant la bêtise ou l’ignorance, puisque d’abord était honorée cette qualité d’Ambassadeur de Dieu. Ainsi l’amour de Dieu fondait-il, entre hommes, des relations nobles, les affaires se traitant d’Ambassadeur à Ambassadeur, au-dessus de la qualité des individus.
Ma civilisation, héritant de Dieu, a fondé le respect de l’homme au travers des individus.
Je comprends l’origine de la fraternité des hommes. Les hommes étaient frères en Dieu. On ne peut être frère qu’en quelque chose. S’il n’est point de nœud qui les unisse, les hommes sont juxtaposés et non liés. On ne peut être frère tout court. Mes camarades et moi sommes frères « en » le Groupe 2/33. Les Français « en » la France.
Ma civilisation, héritant de Dieu, a fait les hommes frères en l’Homme.
Je comprends la signification des devoirs de charité qui m’étaient prêchés. La charité servait Dieu au travers de l’individu. Elle était due à Dieu, quelle que fût la médiocrité de l’individu. Cette charité n’humiliait pas le bénéficiaire, ni ne le ligotait par les chaînes de la gratitude, puisque ce n’est pas à lui, mais à Dieu, que le don était adressé. L’exercice de cette charité, par contre, n’était jamais hommage rendu à la médiocrité, à la bêtise ou à l’ignorance. Le médecin se devait d’engager sa vie dans les soins au pestiféré le plus vulgaire. Il servait Dieu. Il n’était pas diminué par la nuit blanche passée au chevet d’un voleur.
Ma civilisation, héritière de Dieu, a fait ainsi, de la charité, don à l’Homme au travers de l’individu.
Je comprends la signification profonde de l’Humilité exigée de l’individu. Elle ne l’abaissait point. Elle l’élevait. Elle l’éclairait sur son rôle d’Ambassadeur. De même qu’elle l’obligeait de respecter Dieu à travers autrui, elle l’obligeait de le respecter en soi-même, de se faire messager de Dieu, en route pour Dieu. Elle lui imposait de s’oublier pour se grandir, car si l’individu s’exalte sur sa propre importance, la route aussitôt se change en mur.
Ma civilisation, héritière de Dieu, a prêché aussi le respect de soi, c’est-à-dire le respect de l’Homme à travers soi-même.
Je comprends, enfin, pourquoi l’amour de Dieu a établi les hommes responsables les uns des autres et leur a imposé l’Espérance comme une vertu. Puisque, de chacun d’eux, elle faisait l’Ambassadeur du même Dieu, dans les mains de chacun reposait le salut de tous. Nul n’avait le droit de désespérer, puisque messager de plus grand que soi. Le désespoir
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