Potion pour une veuve
était signée « S. ». Elle y parle de la mort de sa fille. Le portrait, je l’ai sur moi. L’enfant ressemble tant à la femme qu’elles ne peuvent être que très proches.
Il sortit le sac de cuir qui renfermait le petit tableau ovale et tendit ce dernier à la prieure.
Elle l’examina longuement, très longuement.
— Elle est très belle, dit-elle enfin.
Elle le lui rendit et traversa son cabinet pour s’approcher de la fenêtre. Là, elle regarda dans le jardin, comme si elle prenait une décision, et se retourna brusquement.
— Il faut dire qu’elle a toujours été belle, même lorsque nous étions enfants. Je ne pense pas être à même de vous aider, cependant. Je crois qu’elle est partie pour Majorque.
— Non, dame Violant. Majorque était sa seconde ligne de défense, la première que j’ai vérifiée. Elle a trop d’allure. Et l’île n’abrite aucune femme comme elle, je puis vous l’assurer. À moins qu’elle n’y travaille comme chambrière.
Un léger sourire se dessina sur le visage de la prieure.
— C’est peu probable. J’ai ici une information qui pourrait vous intéresser. Elle m’est personnellement inutile. Si votre garçon veut bien attendre ici avec la sœur intendante, je vous la montrerai.
— Alors, vous a-t-elle dit quelque chose d’utile ? demanda Yusuf dès qu’Oliver l’eut rejoint.
— Je n’en suis pas certain. Mais elle m’a fait une confidence…
— Et maintenant, que faisons-nous ?
— Maintenant ? Nous rentrons à Gérone !
CHAPITRE XVIII
Le lendemain matin, Oliver emprunta le couloir menant au cabinet de l’évêque et vit une femme qui, vêtue d’une simple robe noire et porteuse d’un voile, était assise devant la porte. Elle se leva pour le saluer et fit une révérence.
— Seigneur Oliver, dit-elle, bienvenue à Gérone.
— Maîtresse Raquel, n’est-ce pas ? L’habile fille du médecin ?
— C’est bien moi. Puis-je savoir si vous avez des nouvelles de Yusuf ? Il nous manque beaucoup, je dois le reconnaître.
— J’ai mieux encore. Quand vous rentrerez chez vous, ce sera pour l’y trouver. Je viens de confier son cheval à l’un des palefreniers de Son Excellence. Mais pourquoi hantez-vous les couloirs du palais ?
— J’attends mon père, qui est auprès de son patient.
La porte du cabinet s’ouvrit brusquement et Bernat apparut.
— Son Excellence vous demande d’entrer, seigneur Oliver.
— Qu’avez-vous à nous rapporter d’intéressant, seigneur Oliver ? dit Berenguer. En plus de l’excellente nouvelle du retour de Yusuf dans cette ville et de celle de la guérison de Sa Majesté ? Avez-vous découvert quelque chose en ce qui concerne la mort de Pasqual ?
— Je cherche actuellement une propriété inscrite dans votre diocèse. Si je la retrouve, j’en saurai peut-être plus… bien plus. Mais je crains que cette quête ne doive s’effectuer dans le calme et la discrétion. Pourrais-je utiliser l’une de vos excellentes mules ? Neta se trouve à Barcelone et mon cheval a été mis à rude épreuve au cours de cette semaine. Je ne demande rien de plus.
— Bien entendu, dit Berenguer.
— Si Votre Excellence veut bien m’excuser, j’ai hâte de souhaiter la bienvenue à mon apprenti errant.
— Je vous accompagne, maître Isaac. Je dois voir comment va mon cheval.
— Avez-vous besoin d’aide dans votre quête ? demanda poliment Isaac. La région abonde en chemins creux élevés au rang de routes et il y a de quoi se perdre. Je pourrais recommander – Son Excellence le pourrait aussi, je n’en doute pas – un homme discret qui connaît parfaitement la campagne. Il vous assisterait.
— Je doute que le plus discret des hommes parvienne à m’aider, soupira Oliver. À moins qu’il n’ait aussi assez d’esprit pour résoudre une énigme.
— Une énigme, monseigneur ?
— Oui, je cherche une propriété proche de Gérone où l’on peut s’endormir au son de l’eau.
— Ce pourrait être en bord de mer, dit Raquel.
— Ce pourrait aussi être près d’une fontaine, ma fille, dit Isaac. Il y en a beaucoup dans les environs.
— Cette propriété doit aussi posséder un beau bassin peuplé de poissons et des poiriers.
— Cela m’évoque un monastère.
— Et que savez-vous des monastères, papa ?
— Je suis allé dans plus d’un, ma chérie. Même les bons pères tombent malades. Quand je voyais encore, j’ai
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