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Potion pour une veuve

Potion pour une veuve

Titel: Potion pour une veuve Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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dormir en attendant que la lune soit assez haute pour nous éclairer la route de Barcelone. Quatre ou cinq lieues dans ces conditions et nous serons aux portes de la ville avant l’aurore, je vous le garantis. Et ce sera aussi bien comme ça, maîtresse Raquel.
    — Pourquoi, Domingo ?
    — Comme vous le savez, il fait plus chaud là-bas qu’ici à cette époque de l’année. Pas aussi chaud qu’à Grenade, naturellement, ajouta-t-il. J’y suis allé quand j’étais jeune. J’étais garde d’un émissaire de Sa Majesté. Il faisait vraiment chaud.
    — À quel point ?
    Raquel défit un peu son voile et se prépara avec délice à écouter le sergent égrener ses souvenirs.
     
    Près de deux heures plus tard, le capitaine rattrapa Isaac.
    — Maître Isaac, nous approchons de notre destination. Si vous voulez faire vos adieux, nous allons les laisser s’en aller.
    — Oh, déjà, dit le sergent en feignant la surprise. J’ai tant pris plaisir à revivre de vieilles campagnes en compagnie de maîtresse Raquel que j’ai à peine remarqué où nous nous trouvions, ajouta-t-il galamment. Mais avant de nous séparer, capitaine, pourquoi ne pas nous arrêter un instant pour apprécier les mets que nous transportons ?
    Le capitaine leur fit faire halte sous des arbres dont le feuillage projetait son ombre sur une petite rivière. La chaleur et la sécheresse de l’été avaient réduit le courant à quelques ruisselets, mais sa musique et sa fraîcheur étaient agréables quand il courait sur les pierres et le sable de son lit. Les gardes déchargèrent les paniers et les balluchons de nourriture. Et un instant plus tard, chacun se régalait d’abricots sucrés, de poires fermes, de bœuf braisé et de poulet rôti froid ainsi que de pain en abondance.
    — Nous ne pouvons emporter tout ça avec nous, dit Raquel en voyant ce qui restait. Maman et Naomi ne seraient pas contentes.
    — Nous pourrions vider ces beaux paniers, suggéra le sergent, et les renvoyer avec vous : nous mettrons les restes de nourriture dans les paniers de bât des mules. En répartissant les charges, nous devrions avoir suffisamment de place. Êtes-vous d’accord, maître Isaac ?
    — Je laisse ce genre de décision stratégique à Raquel, dont les connaissances en ce domaine dépassent de beaucoup les miennes, dit Isaac en souriant.
    — Excellente idée. Je vais m’en occuper pour m’assurer que tout est bien empaqueté, déclara Raquel. Mangez le reste au souper avant que cela ne se gâte.
    Raquel réorganisa le contenu des paniers de bât.
    — Voilà qui est fait. Nous sommes prêts à partir, mais avant tout je dois dire au revoir à mon nouveau petit frère.
    Elle serra contre elle Yusuf qui, au cours de l’année passée, était devenu son ami et allié, puis elle tira le voile devant son visage pour dissimuler ses larmes.
    — Fais attention à toi, murmura-t-elle, et ne baisse jamais la garde.
    — Oh, vous avez écouté ! dit Yusuf, indigné.
    — Bien entendu. Je vais maintenant laisser papa te dire au revoir.
    Isaac enlaça le jeune garçon et se recula.
    — Je ne te donnerai pas d’autre recommandation. Tu as survécu grâce à ton esprit et ton intelligence, et tu continueras ainsi, je le sais. Je te demande seulement de respecter le dernier conseil du capitaine.
    — De serrer les coudes ? s’étonna-t-il.
    — Non, de n’accorder confiance à personne, lui susurra-t-il à l’oreille. Adieu, mon garçon. Si tout va bien, nous nous reverrons avant peu. Mes bénédictions t’accompagnent, s’empressa-t-il d’ajouter avant de se détourner.
    — Il reviendra avant les fêtes 2 , dit Raquel avec une légèreté feinte. Vous parlez comme s’il partait pour des années.
    — Une fois entamé, un voyage peut mener en des endroits inattendus, ma chérie, expliqua son père en montant sur sa mule impatiente.
    Yusuf demeura un instant immobile, la main sur le pommeau de sa selle, déconcerté par les mots de son maître. Il regarda ses compagnons : Miquel, Gabriel et Narcís, les trois gardes, son vieil ami, le sergent Domingo, et celui qui était apparemment l’ami de l’évêque, Oliver. Il secoua la tête, éperonna sa jument et partit avec les autres en direction du sud.
     
    Les trois autres cavaliers abandonnèrent l’ombre des arbres. Pendant leur brève halte, la chaleur s’était faite plus pesante. La poussière soulevée par les chevaux et les mules flottait encore dans

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