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Potion pour une veuve

Potion pour une veuve

Titel: Potion pour une veuve Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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à mal, et elle se serait retrouvée dans la rue si maître Pons ne l’avait prise chez lui.
    — C’est vrai, dit Raquel. J’ai entendu d’autres choses à son propos. Mais pourquoi un homme qui aimait tant une femme peut-il haïr à ce point toutes les autres ?
    — Il ne l’a jamais aimée, trancha Judith. Elle avait une belle dot, voilà tout. Chacun le savait, et peu importe ce qu’il raconte aujourd’hui.
    — Les souvenirs de ta mère sont dérangeants pour qui voudrait réécrire l’histoire, dit Isaac d’un air narquois.
    — De quoi est-elle morte ?
    — De rien de spécial. Elle s’est éteinte, c’est tout. Elle n’était pas très vive dans les premiers temps, et sa santé ne s’est pas améliorée. Et maintenant il traite toutes les femmes comme il traitait la sienne.
    — Ta mère exagère, dit le médecin. Mais je serais heureux de voir revenir Yusuf. Je n’aime pas beaucoup t’emmener dans la maison d’un patient tel que celui-ci. Il adore les accusations mensongères. Oh, à propos de Yusuf, Son Excellence a reçu une lettre du seigneur Oliver.
    — Comment va Yusuf ? demanda Judith qui s’arrêta brusquement de peler la poire. Y a-t-il quelque chose qui n’aille pas pour que le seigneur Oliver doive écrire ?
    — Non, ma mie. Yusuf va très bien. Le seigneur Oliver avait d’autres affaires à discuter avec Son Excellence et nous a adressé ce message par courtoisie.
    — Il m’avait l’air d’un homme assez plaisant, dit Raquel, quoique légèrement contrarié.
    — Son collègue et ami venait de mourir, expliqua le médecin.
    — Je comprends. Quand Yusuf doit-il partir pour la Sardaigne ?
    — Demain.
    — Je me demande si nous aurons de ses nouvelles avant son retour, dit Raquel d’un air sombre et les larmes aux yeux. Si jamais il revient…
    — Allons, cesse de remuer ce genre d’idées, lui dit sa mère. Je ne veux rien entendre de tel.
    La remarque un peu sèche de Judith fut interrompue par l’arrivée d’un jeune garçon qui fit tinter la cloche, secoua le battant de la porte et appela le médecin.
    Avant même qu’Ibrahim, le portier, eût le temps de traverser la cour, Isaac envoyait chercher Judah.
    — Maître Isaac ! cria l’enfant quand il fut enfin entré. Vous devez venir, vite ! Il y a un homme qui se meurt dans notre maison. Il délire comme un dément et la maîtresse dit que si nous n’allons pas chercher le médecin, ce sera terminé pour lui demain matin.
    — De quoi se meurt-il ? demanda Isaac.
    — Je ne sais pas, maître, la maîtresse ne me l’a pas dit.
    — Il le faut pourtant si je veux apporter les potions adéquates. Pourquoi délire-t-il ? A-t-il été frappé à la tête ? Est-il victime des fièvres ?
    — C’est sa blessure au bras, dit l’enfant.
    — Dans ce cas, ils auraient dû appeler le chirurgien.
    — Non, c’est une blessure qui suppure et qui ne date pas d’aujourd’hui. Il a de la fièvre, maître Isaac, car il me prend pour sa mère, son père et toutes sortes de gens.
    — Isaac, vous n’avez pas fini de souper, dit Judith sur un ton de reproche.
    — J’ai mangé autant qu’il convient à un honnête homme, ma mie. Et maintenant, l’on a besoin de moi. Raquel, vérifie le contenu du panier, remplace ce que l’on a utilisé cet après-midi. Que Judah prenne une lanterne pour notre retour.
    — Oui, papa, répondit Raquel que toute idée noire avait quittée.
     
    L’enfant les conduisit dans une auberge sise près de la rivière, non loin de la porte nord de la ville. Il y travaillait comme garçon de cuisine, palefrenier, porteur, messager, enfin tout ce qu’on lui demandait. Seule la manipulation de l’argent des clients lui était interdite car on le considérait trop inexpérimenté.
    Ce soir-là, l’établissement n’accueillait qu’un hôte payant dans sa mansarde mal aérée.
    — Il nous faut de la lumière, demanda Raquel à la tenancière.
    — Pourquoi un aveugle aurait besoin de lumière, je vous le demande ? Vous savez ce que ça me coûte, une bougie ?
    — Je le sais très précisément. Et j’ai besoin de voir. Il est inutile de nous appeler si nous ne pouvons travailler. Apportez-moi des bougies, sur-le-champ.
    La femme jura, grommela et disparut avant d’envoyer le gamin, porteur de trois maigres chandelles.
    — Il ne va pas bien, papa, dit Raquel. La blessure infectée est au niveau de l’avant-bras, ajouta-t-elle en guidant sa main vers

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