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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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roi.
    — Plutôt mise à la porte, dit-il en s'esclaffant. Elle a voulu prendre à la charge le lit du roi. Ce dernier, qui a horreur des manières de hussard, lui a fait une résistance digne de notre belle infanterie de ligne. Bref, il ne veut plus la voir.
    — Choiseul doit en être dépité, répliquai-je ironiquement.
    — Ce monsieur qui se vante d'être un fin stratège a trop négligé les états d'âme du roi. Depuis la mort de la Pompadour, les maîtresses se bousculent dans sa couche, mais aucune ne dure plus d'une nuit.
    — C'est fâcheux…
    — Jeanne, malgré son beau savoir et sa belle mine, suivrait le même chemin. Sans parler de Lebel qui fait son important comme jamais, soupira M. de Richelieu. Il se vante partout d'avoir mis en garde le roi sur les candidates qui ne passeraient pas sous ses fourches. Le coquin sait par où tenir son maître : Louis n'a jamais eu autant peur de la vérole.
    — Alors, que faire ?
    — Attendre, mon cher comte, attendre… Voyons le bon côté de ce contretemps : nous peaufinerons ainsi l'éducation de votre disciple.
    Le duc ponctua sa réponse d'un petit sourire qui me laissa comprendre qu'il entendait bien dispenser des leçons privées à Jeanne.
    — Et puis, reprit-il, cette pénible affaire du parlement de Bretagne n'arrange rien à l'humeur du roi.
    — On dit les Bretons fort remontés contre lui.
    — Surtout contre l'impôt. C'est un certain de La Chalotais qui mène le bal. Pour l'avoir rencontré, il m'est d'avis que mon parent, le duc d'Aiguillon, notre gouverneur là-bas, n'en a pas terminé avec cette affaire. Enfin, tout cela trouble le jeu.
    — Alors, passons notre tour.
    — C'est plus raisonnable. Pour une fois, soyons sages… conclut le duc.
    Je pris congé en promettant de lui envoyer Jeanne sous peu. Lorsque je rentrai chez moi, elle dormait toujours. Je me glissai dans son lit, ma présence la réveilla : elle en profita pour me raconter par l'exemple et dans le détail sa nuit avec le duc.
     
    Au début du mois d'avril suivant, le parlement de Bretagne s'opposa ouvertement au roi. D'autres lui emboîtèrent le pas, si bien que l'on craignit un temps qu'une nouvelle fronde ne déchire le pays. Dans cette ambiance, il était prématuré de tenter quoi que ce soit. J'avais, comme je vous l'ai dit, arrangé un peu ma maison en cercle de jeu et je me contentai donc de placer Jeanne dans le lit de quelques joueurs triés sur le volet. Le duc bénéficiait quant à lui d'un traitement de faveur, qu'il eut l'élégance de ne pas considérer comme un prêt gratis. Il paya son écot à chaque visite qu'elle lui rendit. En revanche, les jours où il venait souper chez moi, les règles de l'hospitalité m'interdisaient de demander à un hôte de sortir sa bourse et je lui offrais Jeanne en gage de notre amitié. Elle ne s'en plaignait jamais, pas plus que des autres services qu'elle assurait pour mon compte. Elle aimait sa nouvelle vie, le luxe de ses amants, et il fait beau voir qu'on me reproche qu'elle fût forcée à suivre cette voie. Je dis cela car certains m'ont bâti la réputation de forcer mes protégées. Comment voulez-vous dans ce commerce tirer le meilleur d'une femme en lui mettant la dague sur le cœur ? Balivernes. Je ne dis pas que quelques filles du faubourg ne sont pas maltraitées par leurs maquerelles, mais la majorité font librement profession de leur corps, au pire par nécessité pécuniaire, au mieux par goût, et rarement par contrainte. Cela dérange sûrement les belles âmes, néanmoins Jeanne se plut beaucoup dans ce métier. Elle n'était d'ailleurs pas la seule.
    Figurez-vous qu'un jour mes espions me signalèrent que le fameux couple Goudar se distinguait à cet endroit. Je les avais laissés chez la Marchainville, souvenez-vous, mais il n'avait pas fallu longtemps pour qu'Ange Goudar ne fût à cours de liquidité. Sarah servit d'abord à solder quelques dettes de jeu, puis à régler le loyer. Jusque-là, rien d'inquiétant. Toutefois, selon les deux larrons qui leur filaient le train, ils avaient progressé dans leurs fréquentations. On les voyait de plus en plus souvent dans la maison d'un ou deux grands seigneurs, et pis encore, ils avaient rencontré une rabatteuse de Lebel en une auberge près du Jeu de paume. L'urgence commandait de prendre les devants.
    Je me rendis à Versailles rapidement afin de voir Lebel sur un motif qui l'intéressait toujours : je lui amenai quelques douceurs qu'il ne savait

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