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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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d'une à l'autre, dispensant une œillade par-ci, un bon mot par-là, laissant dans son sillage des promesses aux perdants, des rendez-vous aux gagnants. Et elle a souvent récupéré dans une alcôve ce qu'il m'arrivait de perdre sur le tapis. Ainsi marchaient mes affaires sur un train fort convenable quand un malentendu manqua tout renverser.
    Depuis plus d'une année que Jeanne était dans cette maison, la belle avait occupé beaucoup de mon temps comme vous venez d'en juger. Hormis quelques entretiens intimes avec mes protégées, je me tenais assez sage et lui restais fidèle, à peu de chose près. Jeanne m'avait d'ailleurs fait promettre de lui avouer chacune de mes aventures. Elle attachait beaucoup de prix à ce que je fusse sincère avec elle. Notre relation ne s'embarrassait pas de respecter les bonnes mœurs, mais elle la désirait fondée sur l'honnêteté : j'avais l'usage de son corps pour mes affaires, tandis qu'elle voulait en regard l'exclusive de ma personne. Je trouvais cela charmant et paraphais ce contrat moral de bon cœur, si cela pouvait me l'attacher un peu plus.
    Pourtant, vous me connaissez, il n'y a pas beaucoup d'engagement de cette sorte qui m'ait longtemps tenu lié. Les mois passant, je retrouvai quelques occasions de faire parler de moi dans mes lieux de débauche favoris. Jeanne s'en douta mais ne dit rien. Elle savait mieux qu'une autre comment un homme peut s'absenter du foyer sans pour autant l'abandonner. Elle-même était habituée du fait, certes pour les besoins de notre cause. Les choses allaient ainsi lorsqu'un de mes soirs de découche, je rencontrai une adorable jeune fille chez la Préville, en son bordel de la rue Mazarine. Je me l'offris pour la nuit. C'était une rousse piquante, à l'œil vert et au corps de nymphe dont le duc de Lauzun avait longtemps fait sa pitance, bien qu'elle n'eût encore que dix-sept ans. Elle avait commencé très tôt dans la carrière. En dessous de Jeanne pour le charme comme la grâce, elle me séduisit tout de même assez pour qu'il me prît l'envie de la visiter régulièrement. Elle habitait dans un petit appartement rue Saint-Fiacre, dont je fis un repaire une ou deux fois par semaine. Je me gardai cependant d'en parler à Jeanne, la chose n'étant, je le savais, qu'une tocade comme il m'en arrive souvent. Et puis cette jeunette n'entra jamais un quelconque instant dans les plans que vous connaissez. C'était mon bon plaisir, voilà tout. J'omettais simplement une réalité : comme toutes les favorites, Jeanne était devenue jalouse de sa place auprès de moi. Un matin d'octobre, alors que je m'apprêtais à sortir – justement pour aller rue Saint-Fiacre –, elle vint me le signifier sur un ton qu'elle ne m'avait encore jamais montré.
    — Mon ami, vous voilà bien matinal, engagea-t-elle d'une mine maussade.
    — On m'attend au Palais-Royal, pour une affaire urgente.
    — Ah… dites-m'en plus.
    Sans me troubler, j'inventai une fable dans l'instant, cela ne m'a jamais été une peine.
    — M. de Richelieu, dis-je, m'a chargé de…
    — Porter de ses nouvelles à une jeune femme ? me coupa-t-elle.
    — Pardon ?
    — Vous vous rendez chez une femme, je le sais.
    Passablement surpris de sa sortie, je restai un instant sans voix.
    — Vous vous méprenez, ce n'est pas à une femme qu'il m'a demandé de rendre visite mais à…
    Elle m'interrompit à nouveau en tripotant nerveusement un mouchoir : — Mon ami, épargnez-moi une de vos belles histoires. Vous oubliez qu'elles me sont familières.
    Cette fois, je m'agaçai :
    — Jeanne, vous voilà bien vindicative aujourd'hui. Je me rends où je dois me rendre et je n'ai pas à vous en donner d'explications, répondis-je vivement, en tournant les talons.
    — Monsieur, – elle ne m'appelait généralement que mon ami ou des choses plus douces encore –, nos accords sont clairs : j'accepte d'être infidèle à la condition que vous me soyez fidèle.
    — Cessons ces enfantillages. Que dites-vous là ?
    — Je dis qu'il me revient que vous voyez une jeune femme en secret depuis plus d'un mois. Ce n'est plus une passade mais une liaison. Et si je n'avais peur de faire rire, je dirais que vous avez une maîtresse.
    — C'est risible en effet.
    — Eh bien riez, monsieur. Je ne céderai pas sur ce point. Puisqu'une rivale vous inspire des mensonges, j'estime notre contrat caduc, lâcha-t-elle en me plantant là.
    Jeanne paraissait fort sérieuse. Qui donc avait pu lui faire part de mes

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