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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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pas refuser. Je vous ai confié être versé dans la chimie, et les potions du chevalier de Seingalt m'ont souvent été d'un précieux secours. Il faut également que vous sachiez qu'il existe dans Paris d'excellents artisans qui offrent des friandises dont les amateurs apprécient le salé. Ces dragées ont la faveur des femmes et des hommes : les premières en goûtent les chaleurs qu'elles provoquent, les seconds se félicitent de la fermeté qu'elles engendrent. On les appelle dragées d'Hercule, ou bien pilules espagnoles : ce sont des espèces de petites pastilles à la cantharide, enrobées de chocolat – c'est M. de Richelieu qui m'en a indiqué de bons artisans. Je les conseille.
    Lebel me reçut donc très cordialement. J'en profitai pour m'enquérir de sa santé. Il avouait bien se porter, en particulier parce que le roi et lui, m'expliqua ce prétentieux, se méfiaient de plus en plus des femmes poivrées – pour ceux qui l'ignorent, c'est ainsi que vulgairement on désigne celles dont l'intimité est corrompue. J'admis que c'était là un grave problème, d'autant plus qu'il avançait sournoisement, ajoutai-je. Et je lui donnai l'exemple d'une splendide femme qu'il m'avait été donné de rencontrer récemment, dont rien ne laissait penser qu'elle fût membre de cette lugubre phalange. Fort heureusement, grâce aux cicatrices dont la maladie avait grêlé le visage de son époux, j'avais pu me garantir de ce danger et laisser la dame à son destin. Lebel écouta attentivement mon histoire. Il voulut savoir si la jeune femme était vraiment belle. Je lui répondis qu'elle l'était au-delà du commun. Il me demanda alors comme un service si je pouvais lui confier le nom de cette personne, la santé du roi – et la sienne – pouvant un jour m'en être redevable. Je lui dis d'abord qu'un tel procédé ne m'était pas habituel ; toutefois, devant la nature de la cause à défendre, je lui lâchai un nom, en l'implorant de le garder pour lui. Lebel me remercia chaleureusement pour mes cadeaux, et je revins à Paris, le cœur léger.

 
    Chapitre XXIV
    L es époux Goudar quittèrent Paris le deux mai 1765. Mes espions me rapportèrent qu'ils avaient longtemps fait le siège de Lebel avant de plier bagage 17 . J'étais tranquille. Du moins je le croyais, car, dans la vie, un souci s'avance rarement seul. À la fin du printemps, je reçus une longue lettre d'Adélaïde, ma cousine, qui me donnait des nouvelles du pays. Elle en faisait ainsi presque chaque année depuis mon départ, me contant parfois ce qu'elle savait de ma famille. Je vous l'ai déjà dit, je crois, il m'importait peu d'avoir la chronique de Lévignac, mais je ne suis pas un homme dénaturé. Et le détail du courrier d'Adélaïde ne fut pas sans occuper quelque temps mon esprit. Elle y racontait comment le domaine était au bord de la ruine : ni ma femme ni mes sœurs n'étaient capables d'en mener la gestion. La misère frappait même à la porte de notre manoir, écrivait ma cousine. Chon et Bischi avaient fait le voyage de Toulouse pour mendier des secours auprès d'elle, se plaignant qu'elles ne pouvaient se séparer de quelque partie que ce fût du domaine, puisque j'en étais le seul propriétaire. Quant à mon frère, la maladie l'avait obligé à quitter la marine, et son maigre pécule suffisait tout juste à faire survivre ce petit monde. Mais il y avait plus grave. Mon épouse, dont le caractère était depuis longtemps altéré par sa mélancolie, envisageait d'aller abriter sa peine au couvent. L'idée n'était pas des plus sottes pour qui la connaissait ; toutefois, il faut se rappeler que j'avais également un fils qui allait sur ses seize ans.
    Je vous le dis, il me restait suffisamment de morale pour ne pas l'oublier. Par ailleurs, il eût été pénible pour ma réputation qu'on puisse dire que j'avais laissé mourir de faim ma progéniture. Pour cette raison, et pour seulement celle-là, je me décidai à solliciter de M. de Richelieu qu'il intervînt pour faire une place à mon fils chez les pages de Versailles. Je pris la précaution de faire établir la demande sous le patronyme de mon épouse, le mien n'étant pas la meilleure des introductions à la Cour. Au bout d'un mois, M. de Richelieu me remit le brevet de page. Il me restait à le transmettre à Lévignac. Évidemment, la chose n'était pas des plus simples. J'eus recours une nouvelle fois à mon imagination que vous savez fertile lorsqu'il s'agit de duper ma

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