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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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moi. Depuis, j'ai attendu patiemment l'heure d'aujourd'hui.
    — Il est vrai qu'on peut vous reconnaître un certain à-propos. Vous pourriez même vous rendre agréable à quelques-uns par cette initiative, répondis-je.
    — Vous aimez toujours à faire le cynique, je vois. Mais attendez la suite. J'ai bien sûr choisi ce moment avec précision. Depuis que le roi est tombé malade, mes espions observent votre maison. Et lorsque Sa Majesté a passé, j'ai estimé qu'il était opportun de venir vous apporter mes condoléances.
    — Apportez-les à mon valet, il se languit un peu de vous…
    Il me sembla que Kallenberg sursauta sur sa selle.
    — Vous lui avez enseigné de bien viles manières. Mais il est vrai qu'un domestique prend toujours l'exemple de son maître.
    — Épargnez-moi votre morale. Quand on s'est comporté comme un homme sans honneur, on ne peut se plaindre d'en récolter les stigmates.
    Nos amabilités comme la conversation s'arrêtèrent là.
    Une église sonna huit heures quand nous arrivâmes en vue de l'allée des Veuves, à côté des Champs-Élysées. L'endroit est, comme je crois vous l'avoir déjà dit, parmi les plus mal famés de Paris. La nuit, on y trouve la lie, mais au petit matin, le lieu est très prisé par les duellistes qui peuvent y vider discrètement leurs querelles. Kallenberg s'engagea dans un chemin qui serpentait entre des bosquets. Au bout de quelques instants, il fit halte. Nous étions à cent pas de la route, près d'une petite colline coiffée de jeunes arbres. Des souches jonchaient le sol, à côté des traces d'un ancien feu de camp. La pluie tombait toujours et avait achevé de dépeupler le lieu.
    — L'endroit vous convient ? demanda-t-il.
    Je répondis par l'affirmative et mis pied à terre. Kallenberg en fit autant. Mais, alors que je m'apprêtais à saisir mon épée, il s'empara tout à coup d'un pistolet caché sous son manteau avant de me mettre froidement en joue.
    — Quelle est cette nouvelle fourberie ? m'exclamai-je.
    — Que pensiez-vous donc ? dit Kallenberg, son affreuse face éclairée par un rictus plus ample que jamais. J'entends conclure cette affaire au mieux de mes intérêts.
    — C'est un meurtre !
    — Si peu. Aujourd'hui, vous n'êtes plus rien. En vous éliminant, je fais des heureux. Ne comptez sur personne pour en savoir plus sur les circonstances de votre fin. Et en arrangeant un peu l'histoire, j'en tirerai même des avantages…
    Il n'avait pas achevé sa phrase que, à moins de vingt pas de nous, derrière la petite colline, l'on entendit des voix se rapprocher. Kallenberg rangea précipitamment son arme. Il voulait bien m'assassiner, mais pas au vu du monde. Quelques secondes plus tard, quatre gentilshommes apparurent, dont un, très jeune, qui se tenait une cuisse, sur le haut de laquelle on avait apposé une écharpe en guise de pansement. Heureusement que les affaires d'honneur sont légion dans ce pays. Deux duellistes venaient en effet de s'expliquer quelques instants auparavant et repartaient avec leurs témoins. Ils nous saluèrent de loin, lorsqu'une idée me traversa l'esprit.
    — Messieurs, leur criai-je, pourriez-vous rendre service à deux gentilshommes dans la peine ?
    Le groupe s'arrêta. Le plus âgé des quatre, assez grand et l'air d'un militaire, s'avança vers moi.
    — Monsieur, me dit-il, que puis-je pour votre service ?
    — À la fois peu et beaucoup. Nous sommes ici, comme vous, pour vider un petit désaccord. Mais, voyez notre distraction, nous avons oublié nos témoins. Pourriez-vous nous dépanner ?
    Les trois autres gentilshommes s'étaient approchés pendant que nous parlions. M. de Kallenberg ne disait plus rien. Mon interlocuteur regarda ses compagnons, qui eurent l'air d'acquiescer.
    — Ce sera avec grand plaisir, répondit le blessé.
    — Très bien. Nous nous proposions de nous entretenir à l'épée, n'est-ce pas, chevalier ? dis-je à Kallenberg qui serrait les mâchoires de rage.
    Comment aurait-il pu se défiler ? Je pouvais sans peine expliquer à ces gentilshommes le mauvais sort qu'il avait essayé de me faire. Il ne me répondit rien. Un lambeau d'honneur l'inspira : il enleva son manteau et saisit son épée. Il fallait en finir. Le gentilhomme à l'allure d'un soldat désigna l'emplacement où débuterait le combat. Avec le jeune homme blessé, ils se désignèrent pour être mes témoins, tandis que les deux autres se rangèrent aux côtés de M. de Kallenberg. La pluie redoubla

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