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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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confectionner depuis longtemps des passeports au seul nom de comte de l'Isle-Jourdain, moins connu que celui de du Barry. Alors que nous nous engageâmes sur la route de Lyon, je sombrai dans un profond sommeil. À mon réveil, nous étions déjà loin de Paris. J'étais d'humeur songeuse. La vie est curieuse, me disais-je : arrivé dans cette ville vingt ans plus tôt, encore meurtri de mon duel avec le baron d'A*, j'en repartais aujourd'hui tout aussi mal en point. Et je laissai quelques instants mon esprit vagabonder au pays des souvenirs.
    Tout à coup, il me revint avoir mis dans ma poche la lettre de Jeanne. Un peu de mon sang l'avait tachée. Je l'ouvris. Voici ce qu'elle disait : « Mon ami, je sais le mauvais sort que l'on projette de vous faire, et j'espère de toute mon âme que vous aurez le temps d'établir une saine distance entre nos ennemis et vous. Pour ma part, je suis bien résignée à attendre ici qu'ils m'y viennent chercher. On veut me mettre au couvent, dit-on : j'aurai ainsi l'impression de retrouver les bonnes sœurs du Faubourg. Voilà, mon ami, le bal s'achève. Quitter Versailles m'est pénible, je l'avoue. Je me croyais pourtant devenue de ce pays. Le roi me le disait souvent : ce château est une prison, dont le plus grand souhait des captifs est de n'en jamais sortir. On m'en libère de force. Tant pis. Et si je ne connais pas mon avenir, je sais me souvenir de ce qu'a été ma vie, comme de ce que je vous en dois : vous m'avez fait naître au monde. Ces dernières années, nous n'avons pu entretenir l'affectueuse relation à laquelle ma reconnaissance vous désigne, mais sachez que mon cœur reste fidèle à la mémoire des jours heureux passés dans votre maison. La femme qui vous écrit cela n'est plus rien et n'aspire désormais qu'au repos. Peut-être nous reverrons-nous un jour meilleur. Votre très affectionnée Jeanne. »
    Émouvant, n'est-ce pas ? J'ai encore aujourd'hui cette lettre. Ne serait-ce que pour rappeler à son auteur combien elle me fut attachée.
     
    Cinq jours plus tard, j'arrivai dans cette bonne ville de Neuchâtel, où je m'installai à l'Hôtel de la Couronne .

 
    Chapitre XLIII
    L e douze mai, à la tombée de la nuit, on déposa le corps du roi dans l'abbaye de Saint-Denis, au son du beau Requiem de M. Rameau. À part cela, la cérémonie des obsèques n'eut rien de grandiose. On bâcla même un peu l'affaire. Plus tôt dans la journée, le duc de la Vrillière avait fait porter à Jeanne un ordre du roi Louis XVI de ne pas reparaître à la Cour et de se retirer au couvent de Pont-aux-Dames, à vingt lieues de Versailles. Elle y fut conduite le lendemain de très bonne heure. Elle avait demandé à pouvoir séjourner à Louveciennes, où elle promettait de se tenir bien sage, mais Marie-Antoinette fut inflexible. Cela ne l'honore pas, je le dis comme je le pense. Elle était désormais la reine de France. Qu'avait-elle à craindre ? Mais passons.
    Pour le reste de ma famille, on fit comme il avait été dit. Mes sœurs furent chassées de Versailles – bien qu'elles fussent déjà parties –, leur appartement repris. Mon fils et son épouse n'eurent pas meilleur sort. Et Adolphe commença dès lors à devenir pour son épouse un encombrant bagage. J'y reviendrai tout à l'heure, malheureusement. J'allais oublier mon frère : il subit la même interdiction de paraître à Versailles et Paris, mais, curieusement, on ne lui retira pas son cordon de Saint-Louis. Chez nos amis, ou ceux que l'on jugeait comme tels, la purge ne fut pas moins amère. Le beau M. d'Aiguillon n'attendait rien d'autre que ce qu'il décida de s'infliger : il mit ses affaires en ordre et démissionna moins d'un mois après la mort du roi. La reine le poursuivit longtemps de son courroux, le contraignant même à se retirer dans ses terres. Ce singe de Maupeou ne dura pas beaucoup plus longtemps. Le vieux M. de Maurepas, qui était désormais le premier des ministres, le remplaça au mois d'août suivant. En même temps, il renvoya aussi l'abbé Terray à sa cure.
    Partout, on traqua ceux et celles qui avaient obtenu des bienfaits de Mme du Barry. Et si on ne pouvait tous les chasser – il aurait fallu vider la moitié de Versailles –, la reine Marie-Antoinette demanda qu'on dresse discrètement des listes afin de priver les coupables des prochaines faveurs. Parmi ces nouveaux hérétiques, seul l'habile M. de Richelieu sut à peu près éviter le bûcher. Le roi se souvint qu'il

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