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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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prochain ou de sa prochaine. Artémis, belle brune un peu ronde, appréciait les hommages multiples et simultanés. De même, Fleur de Lys, qui augmentait cette philanthropique manie d'un plus égoïste don pour l'onanisme. Je ne poursuivrai pas plus loin la description des grâces de cette digne maison mais, pour faire bref, sachez que ses sociétaires conjuguaient des mines d'ange avec des mœurs de damnées. L'enfer n'était d'ailleurs pas moins fréquenté car pléthore de gentilshommes ou d'honnêtes bourgeois connaissaient le chemin de ce sérail. Des femmes s'y rendaient également pour profiter des leçons de saphisme que Mlle Prunelle, remarquable jeune beauté de dix-huit ans, y dispensait avec entrain. Plus discrètes, des femmes de condition venaient parfois quelques jours en pension pour s'offrir la vie d'une putain. Vous seriez d'ailleurs surpris de savoir qui j'y ai parfois rencontré.
    Marguerite connaissait son monde, mais la concurrence d'autres belles entreprises de cette nature lui causait du souci. Après qu'elle m'eut fait sans façon les honneurs de la maison en me confiant aux bons soins de trois de ses filles, elle s'en ouvrit à moi le lendemain. J'étais encore au lit en plaisante compagnie lorsqu'elle vint me rendre visite pour m'inviter à la suivre dans un boudoir attenant à la chambre.
    — Jean, il faut que je vous parle, m'annonça-t-elle gravement.
    — Chère amie, je vous sens bien sérieuse ce matin. La nuit a été mauvaise ? demandai-je.
    — Nullement, vous n'y êtes d'ailleurs pas pour rien, souffla-t-elle. Mais laissons-là la nuit. Vous vous demandez peut-être les raisons de ma soudaine générosité avec votre personne ?
    — J'avoue, madame, m'être un peu questionné sur l'instant, mais vos arguments ont su me convaincre qu'il aurait été grossier de pousser plus avant mes interrogations. Par nature, les bonnes fortunes ne se font pas annoncer. Elles passent et mon seul talent est de savoir les saisir.
    — Mon ami, merci de ne pas me prêter d'autres projets que celui de vous être agréable. Mais je vais peut-être vous décevoir : un plan était dans mes intentions.
    — Je ne connais aucune femme qui n'ait pas de stratégie, même les plus ingénues. Je vous écoute.
    — Eh bien, cher comte, si c'est le hasard qui m'a fait vous rencontrer hier soir à l'hôtel de Soissons, je dois avouer que je m'étais préparée à cette éventualité.
    — Vous m'intéressez…
    — Je peux en dire autant de vous. Car votre réputation m'est trop souvent revenue aux oreilles pour qu'il ne me naisse l'idée d'en savoir plus. Ce fut facile, beaucoup de mes consœurs ne tarissent pas d'éloges à votre égard. Vous aimez le théâtre, m'a-t-on dit.
    — J'y ai quelque intérêt, c'est vrai…
    — Mais laissons ce chapitre. J'ai également appris qu'il vous arrivait de rosser les créanciers un peu trop pressants.
    — Ce genre de réputation m'agrée moins.
    — Ne vous inquiétez pas, cher comte, je n'ai nul intérêt chez cette sorte de gens, ou alors c'est moi qui leur fais crédit, et à bon taux. Non, ce que je veux vous dire, c'est qu'un gentilhomme qui se ruine avec autant d'entrain suscite mon franc respect.
    — Votre sollicitude me flatte, madame, mais j'imagine que vous ne m'avez pas offert les délices de votre belle maison pour m'en féliciter de ne pouvoir les payer.
    — Certes. Toutefois en vous traitant ainsi, j'avais dans l'idée de vous mettre en confiance.
    — Je me sens en terre amie, soyez sans crainte.
    — Tant mieux. Car savez-vous que ce paisible territoire recèle des ressources qui suffiraient à nourrir bien plus que ses naturels ?
    — Que voulez-vous dire, madame ?
    — Rien de plus, cher comte. Rien de plus mais rien de moins. Je vais être claire : mon négoce est rentable, vous avez pu juger de la qualité de l'offre.
    J'acquiesçai de bon cœur. Elle reprit :
    — Toutefois, il s'agit de ne pas s'endormir. Les règles de mon commerce sont aussi strictes que celles de la Compagnie des Indes : la marchandise rare se vend cher si elle se propose aux connaisseurs. Et les gentilshommes qui frayent par ici ne sont pas toujours de cette trempe. Il me faut ferrer d'autres poissons, plus gros. À cet effet, j'élève deux ou trois beautés qui, je l'espère, me seront une rente, à condition d'être placées dans des milieux où je n'ai pas toujours mes entrées. Me comprenez-vous ?
    — Très bien. Mais je ne saisis pas ce que ma personne vient faire

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