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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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Point sotte celle-ci m'en avertit avant même que je m'en fusse rendu compte.
    Le duc de Brisach était un vieux soudard célibataire qui avait fait carrière et fortune durant les campagnes de Hollande et sur le Rhin, où l'on se souvint de ses pillages longtemps après son passage. Chez ses frères d'armes, en revanche, ses vertus guerrières n'avaient pas laissé des souvenirs impérissables. Il s'était en particulier fait une spécialité dans l'art de mener les retraites tambour battant. Farouchement en pointe de l'armée lorsqu'il fallait déguerpir, il assurait avec beaucoup d'abnégation les arrières de ses camarades lors des combats. Cette stratégie l'avait garanti des méchantes blessures, autant qu'elle lui avait permis de marauder à son aise dans les contrées qu'il traversa. Sa fortune, disait-on, dépassait les dix millions de livres.
    Un soir où nous étions à la table de jeu chez la marquise de Nesle, il se lança hardiment à l'assaut. C'était contre ses habitudes, mais l'enjeu lui donnait du courage. Il me demanda si ma cousine et moi accepterions de lui rendre visite dans sa propriété de Saint-Germain un de ces jours, au prétexte de nous montrer une curieuse ménagerie qu'il s'y était bâtie. Entre deux macaques, trois ou quatre zèbres et une myriade d'oiseaux des îles, une panthère noire en était le clou. Où le bonhomme avait-il pu pêcher cette passion, je serais bien incapable de vous le dire. Hélène se montra enthousiaste à la proposition : rendez-vous fut pris. Deux jours plus tard, j'envoyai un billet au duc pour le prévenir d'une subite indisposition qui, je le regrettais, me ferait manquer cette exotique excursion. En revanche, je ne me sentais pas le cœur d'en priver ma cousine et je le priais d'en prendre soin car elle viendrait seule. La ficelle était grossière, mais ne manqua pas de réussir. Après la visite de la ménagerie, Hélène croqua le vieux grigou le soir même. Elle fit si bien qu'en quelques semaines elle lui soutira pour plus de trente mille livres de cadeaux. Une large partie revint à Marguerite, qui m'en octroya une portion non négligeable. Où était le mal ? Le duc était heureux d'ajouter une nouvelle panthère à sa ménagerie, Hélène vivait dans le luxe, et mon associée et moi tirions les dividendes de cette heureuse union. Ce coup d'essai me séduisit. Le hasard allait se charger de me convaincre définitivement.
    Après le placement d'Hélène, Marguerite me présenta une autre perle de sa collection. Faustine avait dix-huit ans. J'ai transformé son prénom car elle est devenue depuis une distinguée duchesse de la Cour. Pour la même raison, je ne vous la décrirai pas, elle serait trop aisément reconnaissable – bien que les années ne l'aient pas épargnée. Sachez seulement qu'à une beauté presque parfaite elle alliait une immoralité sans défaut. Avec cela, elle promenait le maintien que lui aurait donné une éducation de princesse du sang. Marguerite me la confia donc et je pus juger par moi-même de ses vices avant qu'il ne s'offrît une opportunité de la présenter au beau monde. Cette occasion ne tarda pas : une fête était donnée à Versailles par Monsieur le Dauphin. Nous nous y rendîmes après qu'un excellent tailleur eut fourni à Faustine une robe au dernier goût du jour. Il m'arrivait rarement de venir à Versailles accompagné : la présence de la belle n'en fut que plus remarquée.
    À peine étions-nous arrivés qu'une surprise m'attendait : à l'entrée de la Grande Galerie, le prince de Conti devisait avec deux autres gentilshommes. Cela faisait maintenant plus d'une année que nous ne nous étions vus car il avait beaucoup couru l'Europe pour des affaires d'État. Il me reconnut dans l'instant et se porta vers moi. Très amicalement, il demanda de mes nouvelles tout en jetant des coups d'œil appuyés vers ma compagne du soir. Il semblait vivement intéressé. Le hasard est du parti de l'inconduite, je vous l'ai déjà dit, et ce soir-là il était évident qu'il ne fallait pas le détromper. Le prince nous invita à nous asseoir dans un salon où l'on servait des rafraîchissements. Il m'interrogea pour savoir comment j'occupais mon temps et s'étonna de ne pas m'avoir à nouveau croisé depuis notre dernière entrevue. Il rappela également avec beaucoup d'élégance qu'il me devait un service. Je m'engouffrai dans la brèche :
    — Monseigneur, répondis-je, je n'ai point de services à vous demander,

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