Prophétie
par l’évêque Bonner contre les évangélistes rigoristes. Cette année-là, le Parlement vota des lois très dures contre la réforme religieuse, interdisant notamment aux femmes et aux classes laborieuses de lire la Bible en anglais, qui, à la demande de Thomas Cromwell, avait été placée dans toutes les églises paroissiales. Je remercie le bibliothécaire de St John’s College, à l’université de Cambridge, de m’avoir permis de consulter l’exemplaire de la Grande Bible de 1539, laquelle a peut-être appartenu à ThomasCromwell lui-même. Mes citations de l’Apocalypse en sont tirées bien que j’en aie modernisé l’orthographe de l’époque Tudor. Le livre de Susan Brigden, London and the Reformation (Oxford University Press, 1989) a constitué une précieuse source de renseignements sur la campagne contre les « sectaires » londoniens, en particulier la poursuite de ceux qui avaient enfreint la loi en mangeant de la viande durant le carême. Son ouvrage décrit un Londres de plus en plus divisé entre paroisses radicales et paroisses conservatrices. Les radicaux, qui se considéraient comme des saints persécutés, se remontaient souvent le moral en se persuadant que l’Apocalypse annonçait leur victoire finale contre la « bête » romaine. Beaucoup croyaient, comme les chrétiens fondamentalistes aujourd’hui, que le monde vivait ses derniers jours avant Armagédon et voyaient partout des signes indiquant sans conteste l’imminence de la fin du monde, envisageant imperturbablement, eux aussi, la perspective de la destruction violente de l’humanité. Il existe une étonnante ressemblance entre les premiers puritains de l’époque Tudor et les chrétiens fondamentalistes fanatiques : lecture sélective de la Bible, importance accordée à l’Apocalypse, la Révélation de saint Jean, certitude de détenir la vérité, phraséologie similaire. Pour ce qui est de ce dernier livre du Nouveau Testament, je partage les vues de Guy, à savoir que les premiers Pères de l’Église ont livré au monde quelque chose de très dangereux en décidant, après moult délibérations, de l’inclure dans le canon de l’Église chrétienne.
Henri VIII épousa Catherine Parr en juillet 1543 après plusieurs mois de cour assidue. Quelques années plus tard, la reine Catherine reconnut que, contrairement aux précédentes femmes du roi, elle avait hésité à l’épouser, en partie à cause de son affection pour sir Thomas Seymour. On ne sait pas précisément si, en 1543, elle était déjà favorable à la réforme. Je pense personnellement que c’était le cas. Car il serait peu logique qu’elle ait embrassé le réformisme religieux après son mariage avec un roi à l’attitude antiréforme. C’eût été pour elle trop dangereux.
Le point de vue de l’époque Tudor vis-à-vis de la folie était plus complexe qu’on ne pourrait l’imaginer. Comme c’était le cas des diverses branches de la médecine, l’opinion sur la maladie mentale était fondée sur la théorie du déséquilibre entre les « quatre humeurs » dont se composait le corps humain. On conseillait, par exemple, aux mélancoliques de manger de la salade parce qu’elle est froide et humide. Mais il existe beaucoup de preuves montrant qu’on recommandait également des remèdes de bon sens, tel le conseil donné aux « mélancoliques » ou aux « broyeurs de noir » (comme on appelait, respectivement, les dépressifs de la haute société et ceux des basses classes) de sortir de chez eux, de prendre l’air, d’écouter de la musiqueet de prendre part à de joyeuses conversations. Je ne pense pas que les solutions préconisées par Guy eussent semblé exceptionnelles, contrairement à l’intérêt qu’il portait aux maladies mentales. D’autre part, les catholiques et les protestants considéraient souvent les formes les plus spectaculaires de dérangement mental comme des preuves que le malade était possédé par le diable, les catholiques recommandant la confession et l’appel aux images sacrées, les protestants prônant le jeûne et la prière. Parfois, comme Adam Kite dans le roman, un fanatique religieux déséquilibré risquait d’être accusé d’hérésie et conduit au bûcher. À propos des premières vues modernes de la médecine sur la folie, le livre de Roy Porter Madmen, A Social History of Madness (The History Press Ltd, Londres, 1987) m’a paru constituer une introduction fort utile,
Weitere Kostenlose Bücher