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Prophétie

Prophétie

Titel: Prophétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom , Georges-Michel Sarotte
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plutôt que de se séparer de la moindre pièce d’or qu’il laissait dormir dans son cabinet.
    Nous passâmes sous l’aqueduc de Bishopsgate. « Eh bien, nous y voici ! fit Barak d’un ton dubitatif. Je ne vois pas ce qui vous fait penser qu’une visite en ce lieu va nous remonter le moral.
    — Un peu de patience ! répliquai-je comme nous franchissions la portail de Bedlam et pénétrions dans l’enceinte de l’hôpital. Nous attachâmes les chevaux et frappâmes à la porte. Barak examina la façade du bâtiment d’un air inquiet, comme s’il craignait qu’un fou ne se penche par une fenêtre pour l’agonir d’injures en faisant résonner ses chaînes. Mais l’endroit semblait calme ce jour-là. Gebons, le gardien corpulent, vint m’ouvrir et me fit un profond salut. Depuis ma confrontation avec Shawms, la fois où il avait jeté Ellen dans la rue, Gebons paraissait me vouer un grand respect.
    « Maître Kite et son épouse sont-ils là ? lui demandai-je.
    — Oui-da, monsieur. Ils sont au parloir, avec Ellen.
    — Allons-y donc, Barak ! C’est ce que je voulais te montrer. »
    Je conduisis la marche jusqu’au parloir. La scène qui s’y déroulait ce jour-là aurait pu avoir lieu dans n’importe quel foyer familial. À une table, Adam et son père étaient en train de jouer aux échecs. Les yeux fixés sur son fils, Minnie avait une mine heureuse et reposée que je n’aurais guère crue possible quatre mois plus tôt. Près d’elle, Ellen tricotait, son visage long et sensible empreint de fierté. Assise à côté d’elle, la vieille Cissy tricotait elle aussi, tout en s’arrêtant de temps en temps, le regard dans le vague, l’air triste, désespéré, comme si elle voyait quelque chose qui ne se trouvait pas dans la pièce.
    « Bravo, Adam ! » lança Minnie en riant et en applaudissant au moment où, tendant la main, le jeune homme s’empara avec un grand geste du roi de Daniel.
    Tous les pensionnaires se levèrent pour saluer notre entrée dans le parloir, mais je leur fis signe de se rasseoir. « Adam, j’ai emmené mon assistant, maître Barak, pour vous voir, dis-je. Peut-être vous souvenez-vous de sa présence au tribunal durant les audiences. Il m’a aidé à préparer votre dossier. » Barak salua la compagnie en inclinant le buste.
    « J’ai battu mon père aux échecs trois fois de suite ! s’écria Adam, avant de se taire un court instant. Est-ce commettre le péché d’orgueil de s’en réjouir à ce point ? demanda-t-il à Ellen.
    — Absolument pas, Adam. Combien de fois vous a-t-on dit que cen’est pas un péché de prendre plaisir aux petites distractions que Dieu nous donne en ce dur monde ? »
    Adam acquiesça. Il redoutait toujours autant de succomber au péché, tout en acceptant, la plupart du temps, que notre salut ou notre damnation étaient, en fin de compte, seulement connus de Dieu. Ses parents redoutaient ce qui allait se passer quand il quitterait Bedlam. Ils avaient appris le sort de Yarington, la paroisse ayant été encouragée à attribuer le crime à un groupe de fanatiques catholiques. Guy pensait cependant qu’Adam devait quitter l’asile au plus tôt, rentrer dans le monde et en affronter les aléas. Ses parents restaient aussi rigoristes, mais, par amour pour leur fils, ils étaient convenus avec Guy qu’à cause de sa fragilité mentale il fallait aborder avec délicatesse la question religieuse. L’évêque Bonner avait inconsciemment rendu un service à la famille en persécutant au printemps les évangélistes radicaux. Le révérend Meaphon était, en effet, parti au mois de mai, ayant obtenu une cure à Norwich, loin du tumulte de la capitale. Un nouveau pasteur avait été nommé, un opportuniste peu dangereux, sans croyance bien ancrée.
    Daniel Kite se leva. « Allez, fiston ! On va faire un tour dans la cour ? Et si on allait aujourd’hui jusqu’à Bishopsgate ?
    — D’accord. » Adam se leva. Sa mère l’imita et passa un bras sous le sien. Je m’écartai de la table. Adam se tourna vers moi en souriant nerveusement. « Messire Shardlake, quand nous reviendrons, pourrez-vous me donner de plus amples renseignements sur la vie d’un homme de loi ?
    — Bien sûr. Avec plaisir. » Durant mes deux dernières visites Adam s’était quelque peu intéressé à sa position au regard de la loi, allant jusqu’à exprimer son indignation quand je lui avais appris qu’il ne pourrait pas être

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