Prophétie
libéré sans l’accord du Conseil privé. Quel chemin parcouru depuis l’époque où rien n’avait de réalité à ses yeux, à part sa lutte désespérée avec Dieu !
Adam regarda Barak et rougit légèrement. « Je me rappelle vous avoir vu au tribunal, monsieur, dit-il.
— En effet.
— J’étais mal en point à l’époque.
— Ça c’est bien vrai ! » renchérit Barak en souriant, même si le lieu et la présence d’Adam le mettaient toujours mal à l’aise.
Depuis le seuil, nous regardâmes le père, la mère et le fils traverser la cour en bavardant tranquillement. Ellen se tenait un peu derrière nous, toujours aussi effrayée à l’idée de s’approcher de trop près du monde extérieur.
« Les parents d’Adam aiment leur fils, dit-elle. Ils ne sont pas comme ceux qui abandonnent ici les membres de leur famille qui leurdonnent du fil à retordre. » Une note d’amertume était perceptible dans sa voix. Quand je posai mon regard sur elle, elle eut un sourire forcé. J’aurais voulu connaître les détails de son histoire, mais je ne savais sur elle que ce que m’avait dit Shawms à propos de l’agression qu’elle avait subie quand elle était toute jeune. Elle n’avait aucune envie de se confier et je n’avais pas l’intention de poser des questions indiscrètes.
« L’intérêt que porte Adam au droit est tout nouveau, dis-je. C’est un garçon intelligent.
— Qui sait ? Peut-être un jour deviendra-t-il avocat ?
— En effet. Je le formerai et lui offrirai alors le poste de Barak. Cela me reviendra moins cher. » Ellen éclata de rire.
« Cela s’appelle l’exploitation de malades mentaux, dit Barak. Il a certainement beaucoup changé depuis la dernière fois où je l’ai vu. Mais il y a toujours quelque chose de…
— De fragile ? demanda Ellen. Il a encore beaucoup de chemin à parcourir. Mais je pense qu’il ira jusqu’au bout.
— Eh bien, tu vois, Barak ! La folie est une maladie qu’on peut parfois traiter, comme certaines autres maladies. » Je pensai à part moi que le jeune homme avait été si mal en point qu’il risquait de rechuter à l’occasion, tout en espérant qu’il ne retomberait jamais dans l’état où je l’avais jadis connu. Et pourrait-il jamais guérir complètement ? Ça, je n’en savais rien.
« Parfois, en effet », convint-il, et je savais qu’il pensait à Cantrell. Il sortit dans la cour et salua Ellen en inclinant le buste. « Je dois me rendre à la Vieille Barge. J’ai des bagages à faire et des effets de Tamasin à trier. Elle m’a autorisé à les porter à son nouveau logement. J’ai intérêt à m’assurer que j’ai bien tout.
— Alors, à demain matin, à Lincoln’s Inn ! lançai-je.
— Ouais. On a deux dossiers épineux à préparer. »
Je compris qu’il était ravi d’avoir un bon prétexte pour s’en aller. Il détacha Sukey et se mit en selle, levant son bonnet pour saluer les Kite au moment où il passa devant eux pour franchir le portail.
« Votre assistant déménage ? demanda Ellen.
— Oui. Lui et sa femme se sont séparés. C’est très triste et il ne peut pas supporter de rester dans leur ancien logement. Il a loué une chambre près de Lincoln’s Inn. Peut-être reprendront-ils tôt ou tard leur vie commune, car ils tiennent toujours l’un à l’autre. Je l’espère en tout cas.
— Les documents demandant la libération d’Adam seront envoyés à la Cour des requêtes cette semaine, n’est-ce pas ?
— Oui. Jeudi. Si le juge accepte la demande, elle sera alors transmise au Conseil privé, qui, à mon avis, l’accordera. » Je savais qu’il enserait bien ainsi, Cranmer m’ayant écrit pour m’assurer qu’il s’occuperait personnellement de cette affaire.
« Est-il prêt ? Parfois, en entrant dans sa chambre, je le trouve assis, ou pire, agenouillé à même le sol. Il lui arrive encore de craindre d’être damné.
— Guy croit que l’heure de son départ de Bedlam a sonné, pour “se colleter avec le monde”, selon son expression. Sous la constante vigilance de ses parents, bien sûr, et Guy lui rendra en outre de fréquentes visites. Il ne peut être certain que l’état d’Adam ne connaîtra pas des rechutes, mais il croit qu’il continuera à s’améliorer. Et que l’époque où sa folie le poussait à divaguer en public est bel et bien révolue… J’espère qu’il a raison, murmurai-je.
— Je ne le reverrai
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