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Prophétie

Prophétie

Titel: Prophétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom , Georges-Michel Sarotte
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alors le médecin se retrouve avec un cadavre. C’est pourquoi rares sont ceux qui en usent de nos jours. Mais je pense que le meurtrier de messire Elliard s’en est servi.
    — Pourquoi donc ?
    — Permettez-moi de vous montrer quelque chose. »
    Il quitta la pièce et revint peu après. Je craignais de la voir ramener quelque chose d’atroce, mais il s’agissait seulement de l’une des bottes de Roger. Il la posa sur son genou et en approcha la bougie pour éclairer une grosse tache sombre.
    « Elle était sèche. Elle devait se trouver sur la jambe qui sortait de l’eau. Quand j’ai aperçu cette tache, je l’ai sentie, puis j’ai appuyé mon doigt dessus et ai goûté la substance. Le goût du papaver est tout à fait caractéristique… Après l’avoir ingéré, la première réaction est presque toujours une impression d’euphorie, puis on perd conscience. Cela explique l’air paisible de votre malheureux ami.
    — Vous dites qu’on ne l’utilise guère de nos jours. Alors qui pourrait l’employer ?
    — Très peu de médecins, à cause des risques encourus. Quelques-uns des guérisseurs sans licence officielle. » Il hésita. « Et traditionnellement dans certains monastères.
    — Et vous ? » lui demandai-je après un instant de silence.
    Il hocha lentement la tête. « Seulement lorsque je pensais que le choc provoqué par une grave opération risquait d’entraîner la mort du patient. Et j’ai une très longue habitude du dosage. Mais même si on évite de l’employer aujourd’hui, la formule est parfaitement connue des praticiens. Ce n’est pas un secret.
    — Mais il faut avoir une très grande compétence pour l’administrer. »
    Il acquiesça.
    « Le meurtrier n’aurait pas voulu administrer une dose fatale à Roger, repris-je, puisqu’il avait l’intention d’organiser cette effroyable mise en scène dans la fontaine. Il l’a drogué de sorte qu’il ne se réveille pas quand il lui a tranché la gorge.
    — En effet.
    — La dissection du corps vous a-t-elle appris autre chose ?
    — Non. Tous les organes étaient sains. Ils auraient pu être ceux d’un jeune homme.
    — Vous en parlez de façon très détachée, Guy.
    — Il le faut, Matthew. Autrement, comment pourrais-je supporter ce que je vois ?
    — Cela m’est impossible. Pas dans ce cas.
    — Alors peut-être devriez-vous laisser à d’autres le soin de s’occuper de l’enquête.
    — J’ai fait une promesse à Dorothy. J’en ai pris l’engagement.
    — Fort bien. » L’espace d’un instant, la fatigue et la tension que j’avais remarquées la fois où j’avais emmené Roger le consulter se lurent à nouveau sur son visage. « En fait, il y avait autre chose, une bosse à l’arrière de la tête. Je pense que la personne avec qui il avait rendez-vous ce soir-là lui a donné un coup sur la nuque pour l’étourdir. Quand il a repris ses esprits on l’a contraint, d’une façon ou d’une autre, à boire du papaver. Il a alors perdu connaissance et le meurtrier l’a transporté jusqu’à Lincoln’s Inn.
    — À travers les champs et par le portail du verger. » Je lui parlai des empreintes de pas qu’avait suivies Barak. « Roger était petit, mais ce sauvage doit malgré tout être très costaud.
    — Et déterminé. Et cruel. »
    Je secouai la tête. « Ce doit aussi être un homme instruit. D’après ce que vous dites, il possède des compétences médicales. Peut-être même juridiques, s’il a pu imiter le langage d’un avoué au point de tromper Roger, ce qu’il a fait, selon toute apparence. Mais pourquoi ? Pourquoi tuer un homme qui n’a fait de mal à personne et exécuter cette effroyable mise en scène ?
    — Il n’avait aucun ennemi ?
    — Aucun. » Je regardai de nouveau la botte de Roger, et soudain c’en fut trop. D’un seul coup j’eus l’estomac tout retourné.
    « Votre cabinet d’aisances, Guy ? fis-je dans un souffle.
    — Vous connaissez le chemin. »
    Je gagnai la garde-robe qui se trouvait à l’arrière de la maison. C’était la cabane de bois habituelle érigée au-dessus d’une fossed’aisances, moins malodorante que d’autres, cependant, car on avait vaporisé quelque chose dans l’atmosphère pour atténuer les mauvaises odeurs. En regagnant la maison après avoir vomi mes tripes, je me sentais très faible et flageolais sur mes jambes.
    On parlait à voix basse dans la salle de consultation. Par la porte

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