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Prophétie

Prophétie

Titel: Prophétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom , Georges-Michel Sarotte
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sur le sens de mes frémissements. Je l’étudiai à la dérobée. Je savais qu’il était le frère cadet de Jane Seymour, la troisième épouse du roi, morte en donnant naissance à son héritier, le prince Édouard. C’était, disait-on, la seule de ses cinq femmes que le roi regrettait. Le frère aîné de Thomas Seymour, Édouard, lord Hertford, occupait à la cour une position de tout premier plan et venait d’être nommé lord amiral de la marine royale. Barak m’avait expliqué que sir Thomas était une sorte d’aventurier, qu’on ne lui faisait pas assez confiance pour lui offrir un siège au Conseil privé, mais qu’on lui avait accordé un certain nombre de monopoles lucratifs et qu’ilavait récemment occupé le poste d’ambassadeur en Autriche, où l’empereur luttait contre les Turcs. Comme Cranmer, Hertford était l’un des rares réformateurs zélés ayant gardé leur siège au Conseil privé après la chute de Cromwell, trois ans plus tôt. Édouard avait la réputation d’être un homme politique sérieux et compétent, ainsi qu’un excellent chef militaire qui avait dirigé la campagne contre l’Écosse l’automne précédent, alors que son frère était considéré comme un coureur de jupons irresponsable. Cela ne m’étonnait pas. La façon dont sir Thomas se drapait dans son manteau, en caressait délicatement le long col de fourrure tout en laissant son regard errer à la surface de l’eau, son beau visage, ses lèvres pulpeuses, qui esquissaient un petit sourire derrière la longue barbe brune taillée à la dernière mode, tout en lui indiquait l’homme sensuel. Avec son visage aux traits rudes, son regard grave et sa mine soucieuse, Harsnet était tout l’opposé. Comme l’embarcation roulait et tanguait sur les eaux tumultueuses du milieu du fleuve, je me demandai en tremblant ce que Thomas Seymour pouvait avoir à faire avec le malheureux Roger.
    Ayant atteint la rive opposée sans échanger la moindre parole, on godilla rapidement jusqu’au palais de Lambeth. Nous passâmes devant la niche vide où se dressait jadis la statue de saint Thomas Becket et devant laquelle s’inclinaient tous les bateliers londoniens. La statue d’un archevêque qui avait défié le roi avait été enlevée et détruite. Lorsque nous dépassâmes la tour des Lollards où étaient détenus les hérétiques, je me rappelai le geôlier brutal que j’avais rencontré à York et frissonnai à nouveau. Sachant que lord Cromwell m’avait naguère fait confiance, Cranmer m’avait contraint d’y effectuer une mission dangereuse. Pour apaiser sa conscience, à mon retour, il m’avait fait obtenir un poste à la Cour des requêtes. J’allais donc, semblait-il, rencontrer une nouvelle fois cet homme passionné, troublé, et obsédé par Dieu.
     
     
    Je reconnus la simple porte de chêne. Harsnet frappa avant d’ouvrir et je le suivis derrière Seymour.
    Tête nue, les cheveux bruns grisonnants, vêtu d’une robe blanche et d’une étole noire, l’archevêque de Cantorbéry était assis à un grand bureau. Il avait l’air tendu et soucieux, les deux rides sur ses joues s’étaient creusées et tiraient sa bouche charnue vers le bas. Bien qu’il fût loin d’être un réformateur rigoriste, il se trouvait sous la constante menace des conservateurs de la Cour. Un grand nombre d’entre eux l’eussent volontiers envoyé au bûcher et seule l’affection que lui portait depuis très longtemps le roi le protégeait. Ses grands yeux bleusn’avaient pas changé, pleins de passion, comme animés d’un débat intérieur.
    Un homme se tenait à son côté, portant une robe de couleur sombre, simple mais taillée dans une étoffe coûteuse. Son nez proéminent, son long visage, son corps bien découplé ressemblaient tellement à ceux de Thomas Seymour que ce ne pouvait être que son frère. Toutefois, alors que Thomas était beau, les mêmes éléments, un rien remodelés, faisaient d’Édouard, lord Hertford, un homme laid. Les grands yeux étaient protubérants, le visage trop long et émacié, la longue barbe, hirsute. Je sentais cependant chez l’homme sobrement vêtu une force de caractère et une volonté dont était dépourvu son frère. C’était lui et Cranmer, me rappelai-je, qui avaient envoyé Adam Kite à l’asile de Bedlam, alors que Rich voulait qu’on lui réserve un sort plus tragique. Ôtant son bonnet d’un grand geste, sir Thomas saisit la main de son frère.

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