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Quand un roi perd la France

Quand un roi perd la France

Titel: Quand un roi perd la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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Bourguignons ! Mais le
nombre les étouffe. « Courez au roi, courez au roi, si vous
pouvez ! » lancent Auxerre et Joigny à leurs écuyers, avant d’être
démontés et de devoir se rendre.
    Le roi Jean était déjà dans les
faubourgs de Poitiers lorsque quelques hommes du comte de Joigny, qui avaient
pu échapper à une furieuse chasse, s’en vinrent, hors d’haleine, lui conter
l’affaire. Il les félicita fort. Il était tout joyeux. D’avoir perdu trois
grands barons et leurs bannières ? Non, certes ; mais le prix n’était
pas lourd pour la bonne nouvelle. Le prince de Galles, qu’il croyait encore
devant lui, était derrière. Il avait réussi ; il lui avait coupé la route.
Demi-tour vers la Chaboterie. Conduisez-moi, mes braves ! L’hallali,
l’hallali… Il venait de vivre sa bonne journée, le roi Jean.
    Moi-même, mon neveu ? Ah !
J’avais suivi la route venant de Châtellerault. J’arrivais à Poitiers, pour y
loger à l’évêché, où je fus, dans la soirée, informé de tout.
     

VI

LES DÉMARCHES DU CARDINAL
    Ne vous surprenez pas, à Metz,
Archambaud, de voir le Dauphin rendre l’hommage à son oncle l’Empereur. Eh bien
oui, pour le Dauphiné, qui est dans la mouvance impériale… Non, non, je l’y ai
fort engagé ; c’est même un des prétextes au voyage ! Cela ne diminue
point la France, au contraire ; cela lui établit des droits sur le royaume
d’Arles, si l’on venait à le reconstituer, puisque le Viennois jadis s’y
trouvait inclus. Et puis c’est de bon exemple, pour les Anglais, de leur
montrer que roi ou fils de roi, sans s’abaisser, peut consentir l’hommage à un
autre souverain, quand des parties de ses États relèvent de l’antique
suzeraineté de l’autre…
    C’est la première fois, depuis bien
longtemps, que l’Empereur paraît résolu à pencher un peu du côté de la France.
Car jusqu’ici, et bien que sa sœur Madame Bonne ait été la première épouse du
roi Jean, il était plutôt favorable aux Anglais. N’avait-il pas nommé le roi
Édouard, qui s’était montré bien habile avec lui, vicaire impérial ? Les
grandes victoires de l’Angleterre, et l’abaissement de la France ont dû le
conduire à réfléchir. Un empire anglais à côté de l’Empire ne lui sourirait
guère. Il en va toujours ainsi avec les princes allemands ; ils
s’emploient autant qu’ils peuvent à diminuer la France et, ensuite, ils
s’aperçoivent que cela ne leur a rien rapporté, au contraire…
    Je vous conseille, quand nous serons
devant l’Empereur, et si l’on vient à parler de Crécy, de ne point trop
insister sur cette bataille. En tout cas, n’en prononcez pas le nom le premier.
Car, tout à la différence de son père Jean l’Aveugle, l’Empereur, qui n’était
pas encore empereur, n’y a pas fait trop belle figure… Il a fui, tout
bonnement, ne mâchons pas les mots… Mais ne parlez pas trop de Poitiers non
plus, que tout le monde forcément a en tête, et ne croyez point nécessaire
d’exalter le courage malheureux des chevaliers français, cela par égard pour le
Dauphin… car lui non plus ne s’est pas distingué par un excès de vaillance.
C’est une des raisons pour lesquelles il a quelque peine à asseoir son
autorité. Ah non ! ce ne sera pas une réunion de héros… Enfin, il a des
excuses, le Dauphin ; et s’il n’est pas homme de guerre, ce n’est pas lui
qui aurait manqué de saisir la chance que j’offris à son père…
    Je vous reprends le récit de
Poitiers, que nul ne pourrait vous faire plus complètement que moi, vous allez
comprendre pourquoi. Nous en étions donc au samedi soir, lorsque les deux
armées se savent toutes voisines l’une de l’autre, presque à se toucher, et que
le prince de Galles comprend qu’il ne peut plus bouger…
    Le dimanche, tôt le matin, le roi
entend messe, en plein champ. Une messe de guerre. Celui qui officie porte
mitre et chasuble par-dessus sa cotte de mailles ; c’est Regnault
Chauveau, le comte-évêque de Châlons, un de ces prélats qui conviendraient mieux
à l’ordre militaire qu’aux ordres religieux… Je vous vois sourire, mon neveu…
oui, vous vous dites que j’appartiens à l’espèce ; mais moi, j’ai appris à
me contraindre, puisque Dieu m’a désigné mon chemin.
    Pour Chauveau, cette armée
agenouillée dans les prés mouillés de rosée, en avant du bourg de Nouaille,
doit lui offrir la vision des légions célestes. Les cloches de

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