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Quand un roi perd la France

Quand un roi perd la France

Titel: Quand un roi perd la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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seconde
reconnaissance. Mais le roi Jean ne supporte point l’attente. Il est saisi de
cette coléreuse impatience qui monte en lui chaque fois que l’événement n’obéit
pas tout de suite à sa volonté, et qui le rend impuissant à juger sainement des
choses. Il est au bord de donner l’ordre d’attaque… tant pis, on verra bien…
quand reviennent enfin messire de Ribemont et ses patrouilleurs.
    « Alors, Eustache, quelles
nouvelles ? – Fort bonnes, Sire ; vous aurez, s’il plaît à Dieu,
bonne victoire sur vos ennemis.
    — Combien
sont-ils ? – Sire, nous les avons vus et considérés. À l’estimation,
les Anglais peuvent être deux mille hommes d’armes, quatre mille archers et
quinze cents ribauds. »
    Le roi, sur son destrier blanc, a un
sourire vainqueur. Il regarde les vingt-cinq mille hommes, ou presque, rangés
autour de lui. « Et comment est leur gîte ? – Ah ! Sire,
ils occupent un fort lieu. On peut tenir pour sûr qu’ils n’ont pas plus d’une
bataille, et petite, à opposer aux nôtres, mais ils l’ont bien ordonnée. »
    Et de décrire comment les Anglais
sont installés, sur la hauteur, de part et d’autre d’un chemin montant, bordé
de haies touffues et de buissons derrière lesquels ils ont aligné leurs
archers. Pour les attaquer, il n’est d’autre voie que ce chemin, où quatre
chevaux seulement pourront aller de front. De tous autres côtés, ce sont
seulement vignes et bois de pins où l’on ne saurait chevaucher. Les hommes
d’armes anglais, leurs montures gardées à l’écart, sont tous à pied, derrière
les archers qui leur font une manière de herse. Et ces archers ne seront pas
légers à déconfire.
    « Et comment, messire Eustache,
conseillez-vous de nous y rendre ? »
    Toute l’armée avait les yeux tournés
vers le conciliabule qui réunissait, autour du roi, le connétable, les maréchaux
et les principaux chefs de bannière. Et aussi le comte de Douglas, qui n’avait
pas quitté le roi depuis Breteuil. Il y a des invités, parfois, qui coûtent
cher. Guillaume de Douglas dit : « Nous, les Escots, c’est toujours à
pied que nous avons battu les Anglais… » Et Ribemont renchérit, en parlant
des milices flamandes. Et voici qu’à l’heure d’engager combat, on se met à
disserter d’art militaire. Ribemont a une proposition à faire, pour la
disposition d’attaque. Et Guillaume de Douglas l’approuve. Et le roi invite à
les écouter, puisque Ribemont est le seul qui ait exploré le terrain, et parce
que Douglas est l’invité qui a si bonne connaissance des Anglais.
    Soudain un ordre est lancé,
transmis, répété. « Pied à terre ! » Quoi ? Après ce grand
moment de tension et d’anxiété, où chacun s’est préparé au fond de soi à
affronter la mort, on ne va pas combattre ? Il se fait comme un flottement
de déception. Mais si, mais si ; on va combattre, oui, mais à pied. Ne
resteront à cheval que trois cents armures, qui iront, emmenées par les deux
maréchaux, percer une brèche dans les lignes des archers anglais. Et, par cette
brèche, les hommes d’armes s’engouffreront aussitôt, pour combattre, main à
main, les hommes du prince de Galles. Les chevaux sont gardés à toute
proximité, pour la poursuite.
    Déjà Audrehem et Clermont parcourent
le front des bannières pour choisir les trois cents chevaliers les plus forts,
les plus hardis et les plus lourdement armés qui formeront la charge.
    Ils n’ont pas l’air content, les
maréchaux, car ils n’ont même pas été conviés à donner leur avis. Clermont a
bien tenté de se faire entendre et demandé qu’on réfléchisse un instant. Le roi
l’a rabroué. « Messire Eustache a vu, et messire de Douglas sait. Que nous
apporterait de plus votre discours ? » Le plan de l’éclaireur et de
l’invité devient le plan du roi. « Il n’y a qu’à nommer Ribemont maréchal
et Douglas connétable », grommelle Audrehem.
    Pour tous ceux qui ne sont pas de la
charge, pied à terre, pied à terre… « Ôtez vos éperons, et taillez vos
lances à la longueur de cinq pieds ! »
    Humeur et grogne dans les rangs. Ce
n’était pas pour cela qu’on était venu. Et pourquoi alors avoir licencié la
piétaille à Chartres, si l’on devait à présent en faire le travail ? Et
puis raccourcir les lances, cela leur brisait le cœur, aux chevaliers. De
belles hampes de frêne, choisies avec soin pour être tenues horizontales,
coincées

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