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Quand un roi perd la France

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Titel: Quand un roi perd la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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dans le corps de bataille du Dauphin,
que celle qui s’était faite toute seule parmi les gens du duc d’Orléans. Et
avec plus de confusion encore. « Gardez-vous, gardez-vous »,
criait-on aux trois fils du roi. Les chevaliers de Warwick poussaient vers la
bannière du Dauphin, lequel Dauphin avait laissé choir sa courte lance et
peinait, bousculé par les siens, à seulement soutenir son épée.
    Ce fut Voudenay, ou bien Guichard,
on ne sait pas trop, qui le tira par le bras en lui hurlant :
« Suivez-nous ; vous devez vous retraire, Monseigneur ! »
Encore fallait-il pouvoir… Le Dauphin vit le pauvre Tristan de Meignelay navré
au sol, le sang lui fuyant de la gorgière comme d’un pot fêlé et coulant sur la
bannière aux armes de Normandie et du Dauphiné. Et cela, je le crains, lui
donna de l’ardeur à filer. Landas et Voudenay lui ouvraient chemin dans leurs
propres rangs. Ses deux frères le suivaient, pressés par Saint-Venant.
    Qu’il se soit tiré de ce mauvais
pas, il n’y a là rien à redire, et l’on ne doit que louer ceux qui l’y ont
aidé. Ils avaient mission de le conduire et protéger. Ils ne pouvaient laisser
les fils de France, et surtout le premier, aux mains de l’ennemi. Tout cela est
bon. Que le Dauphin soit allé aux chevaux, ou qu’on ait appelé son cheval à
lui, et qu’il y soit remonté, et que ses compagnons en aient fait de même, cela
est juste encore, puisqu’ils venaient d’être bousculés par gens à cheval.
    Mais que le Dauphin alors, sans
regarder en arrière, s’en soit en allé d’un roide galop, quittant le champ du
combat, tout comme son oncle d’Orléans un moment auparavant, il sera malaisé de
jamais faire tenir cela pour une conduite honorable. Ah ! les chevaliers
de l’Étoile, ce n’était pas leur journée !
    Saint-Venant, qui est vieux et
dévoué serviteur de la couronne, assurera toujours que ce fut lui qui prit la
décision d’éloigner le Dauphin, qu’il avait déjà pu juger que la bataille du
roi était mal en point, que l’héritier du trône commis à sa garde devait coûte
que coûte être sauvé, et qu’il lui fallut insister fortement et presque
ordonner au Dauphin d’avoir à partir, et il soutiendra cela au Dauphin
lui-même… brave Saint-Venant ! D’autres, hélas, ont la langue moins
discrète.
    Les hommes de la bataille du
Dauphin, voyant celui-ci s’éloigner, ne furent pas longs à se débander et s’en
furent à leurs chevaux eux aussi, criant à la retraite générale.
    Le Dauphin courut une grande lieue,
comme il était parti. Alors, le jugeant assez en sécurité, Voudenay, Landas et
Guichard lui annoncèrent qu’ils s’en retournaient se battre. Il ne leur
répondit rien. Et que leur aurait-il dit ? « Vous repartez à
l’engagement, moi je m’en écarte ; je vous fais mon compliment et mon
salut » ?… Saint-Venant voulait également s’en retourner. Mais il
fallait bien que quelqu’un restât avec le Dauphin, et les autres lui en firent
obligation, comme au plus vieux et au plus sage. Ainsi Saint-Venant, avec une
petite escorte qui se grossit vite, d’ailleurs, de fuyards tout affolés qu’ils
rencontraient, conduisit le Dauphin s’enfermer dans le gros château de
Chauvigny. Et là, paraît-il, quand ils furent arrivés, le Dauphin eut peine à
retirer son gantelet, tant sa main droite était gonflée, toute violette. Et on
le vit pleurer.
     

VIII

LA BATAILLE DU ROI
    Restait la bataille du roi…
Ressers-nous un peu de ce vin mosellan, Brunet… Qui donc ?
L’Archiprêtre ?… Ah bon, celui de Verdun ! Je le verrai demain, ce
sera bien assez tôt. Nous sommes ici pour trois jours, tant nous nous sommes
avancés par ce temps de printemps qui continue, au point que les arbres ont des
bourgeons, en décembre…
    Oui, restait le roi Jean, sur le
champ de Maupertuis… Maupertuis… tiens, je n’y avais pas songé. Les noms, on
les répète, on ne s’avise plus de leur sens… Mauvaise issue, mauvais passage…
On devrait se méfier de livrer combat dans un lieu ainsi appelé.
    D’abord le roi avait vu fuir en
désordre, avant même l’abord de l’ennemi, les bannières que commandait son
frère. Puis se défaire et disparaître, à peine engagées, les bannières de son
fils. Certes, il en avait éprouvé dépit, mais sans penser que rien fût perdu
pour autant. Sa seule bataille était encore plus nombreuse que tous les Anglais
réunis.
    Un meilleur capitaine eût sans

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