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Quand un roi perd la France

Quand un roi perd la France

Titel: Quand un roi perd la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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d’entre les siens ne put vraiment
entamer la position anglaise. Tous défaits dans le passage conseillé par
Eustache de Ribemont.
    Au lieu de se porter au secours de
Clermont, Audrehem avait voulu le distancer en suivant le cours du Moisson pour
tourner les Anglais. Il était venu donner sur les troupes du comte de Warwick
dont les archers ne lui firent pas meilleur parti. On devait vite apprendre que
Audrehem était blessé, et prisonnier. Du duc d’Athènes, on ne savait rien. Il
avait disparu dans la mêlée. L’armée avait, en quelques moments, vu disparaître
ses trois chefs. Mauvais début. Mais cela ne faisait que trois cents hommes
tués ou repoussés, sur vingt-cinq mille qui avançaient, pas à pas. Le roi était
remonté à cheval pour dominer ce champ d’armures qui marchait, lentement.
    Alors se produisit un étrange
remous. Les rescapés de la charge Clermont, déboulant d’entre les deux haies
meurtrières, leurs chevaux emportés, eux-mêmes hors de sens et incapables de
freiner leurs montures, vinrent donner dans la première bataille, celle du duc
d’Orléans, renversant comme des pièces d’échec leurs compagnons qui s’en
venaient à pied, péniblement. Oh ! ils n’en renversèrent pas
beaucoup : trente ou cinquante peut-être, mais qui dans leur chute en chavirèrent
le double.
    Du coup, voici la panique dans la
bannière d’Orléans. Les premiers rangs, voulant se garer des chocs, reculent en
désordre ; ceux de derrière ne savent pas pourquoi les premiers refluent
ni sous quelle poussée ; et la déroute s’empare en quelques moments d’une
bataille de près de six mille hommes. Combattre à pied n’est pas leur habitude,
sinon en champ clos, un contre un. Là, pesants comme ils sont, peinant à se
déplacer, la vue rétrécie sous leurs bassinets, ils s’imaginent déjà perdus
sans recours. Et tous se jettent à fuir alors qu’ils sont encore bien loin de
portée du premier ennemi. C’est une chose merveilleuse qu’une armée qui se
repousse elle-même !
    Les troupes du duc d’Orléans et le
duc lui-même cédèrent ainsi un terrain que nul ne leur disputait, quelques
bataillons allant chercher refuge derrière la bataille du roi, mais la plupart
courant droit, si l’on peut dire courir, aux chevaux tenus par les varlets,
alors que rien d’autre en vérité ne talonnait tous ces fiers hommes que la peur
qu’ils s’inspiraient à eux-mêmes.
    Et de se faire hisser en selle pour
détaler aussitôt, certains partant pliés comme des tapis en travers de leurs
montures qu’ils n’étaient pas parvenus à enfourcher. Et disparaissant à travers
le pays… La main de Dieu, ne peut-on s’empêcher de penser… n’est-ce pas,
Archambaud ?… Et seuls les mécréants oseraient en sourire.
    La bataille du Dauphin, elle aussi,
s’était portée en avant… « Montjoie Saint-Denis ! »… et n’ayant
reçu aucun retour ni reflux, poursuivit son progrès. Les premiers rangs,
haletants déjà de leur marche, s’engagèrent entre les mêmes haies qui avaient
été funestes à Clermont, butant sur les chevaux et les hommes abattus là, un
petit moment fait. Ils furent accueillis par de mêmes nuées de flèches, tirées
de derrière les palissades. Il y eut grand bruit de glaives heurtés, et de cris
de fureur ou de douleur. Le goulot étant fort étroit, très peu se trouvaient au
choc, tous les autres derrière eux pressés et ne se pouvant plus mouvoir. Jean
de Landas, Voudenay, le sire Guichard aussi se tenaient, comme ils en avaient
l’ordre, autour du Dauphin lequel aurait été bien en peine, et ses frères de
Poitiers et de Berry comme lui, de bouger ou de commander aucun mouvement. Et
puis, encore une fois, à travers les fentes d’un heaume, quand on est à pied,
avec plusieurs centaines de cuirasses devant soi, le regard n’a guère de champ.
À peine le Dauphin voyait-il plus loin que sa bannière, tenue par le chevalier
Tristan de Meignelay. Quand les chevaliers du comte de Warwick, ceux-là qui
avaient fait Audrehem prisonnier, fondirent à cheval sur le flanc de la
bataille du Dauphin, il fut trop tard pour se disposer à soutenir charge.
    C’était bien le comble ! Ces
Anglais, qui si volontiers se battaient à pied et en avaient tiré leur
renommée, s’étaient remis en selle dès lors qu’ils avaient vu leurs ennemis
venant à l’attaque démontés. Sans avoir à être bien nombreux, ils produisirent
la même carambole, mais plus durement,

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