Quand un roi perd la France
par le passé. Rome, il faut en rêver toujours, et n’y
retourner jamais.
Quant à Constantinople… Oh !
nous sommes très avancés en paroles. L’empereur Paléologue est prêt à nous
reconnaître ; il en a pris l’engagement solennel ; il viendrait
jusqu’à s’agenouiller devant nous, s’il pouvait seulement sortir de son étroit
empire. Il ne met qu’une seule condition : qu’on lui envoie une armée pour
se délivrer de ses ennemis. Au point qu’il se trouve, il accepterait de
reconnaître un curé de campagne, contre cinq cents chevaliers et mille hommes
de pied…
Ah ! vous aussi, vous vous en
étonnez ! Si l’unité des chrétiens, si la réunion des Églises ne tient
qu’à cela, ne peut-on expédier vers la mer grecque cette petite armée ? Eh
bien, non, mon bon Archambaud, on ne le peut point. Parce que nous n’avons pas
de quoi l’équiper et l’aligner en solde. Parce que notre belle politique a
produit ses effets ; parce que, pour désarmer nos détracteurs, nous avons
résolu de nous réformer et de revenir à la pureté de l’Église des origines…
Quelles origines ? Bien audacieux celui qui affirme qu’il les connaît
vraiment ! Quelle pureté ! Dès qu’il y eut douze apôtres, il s’y
trouva un traître !
Et de commencer à supprimer les
commendes et bénéfices qui ne s’accompagnent point de la cure des âmes…
« Les brebis doivent être gardées par un pasteur, non par un
mercenaire »… et d’ordonner que soient éloignés des divins mystères ceux
qui amassent richesses… « Faisons-nous semblables aux pauvres »… et
d’interdire tous tributs qui proviendraient des prostituées et des jeux de dés…
mais oui, nous sommes descendus dans de tels détails… ah ! c’est que les
jeux de dés poussent à proférer des blasphèmes ; point d’argent
impur ; ne nous engraissons pas du péché, lequel, devenant meilleur
marché, ne fait que croître et s’étaler.
Le résultat de toutes ces
réformations c’est que les caisses sont vides, car l’argent pur ne coule qu’en
très minces ruisseaux ; les mécontents ont décuplé, et il y a toujours des
illuminés pour prêcher que le pape est hérétique.
Ah ! s’il est vrai que l’enfer
est pavé de bonnes intentions, le cher Saint-Père en aura dallé un bon bout de
chemin !
« Mon vénérable frère,
ouvrez-moi toute votre pensée ; ne me cachez rien, même si ce sont
reproches que vous avez à formuler à mon endroit. »
Puis-je lui dire que s’il lisait un
peu plus attentivement ce que le Créateur écrit pour nous dans le ciel, il
verrait alors que les astres forment de mauvaises conjonctions et de tristes
quadrats sur presque tous les trônes, y compris le sien, sur lequel il n’est
assis que, tout précisément, parce que la configuration est néfaste, car si
elle était bonne ce serait sans doute moi qui m’y trouverais ? Puis-je lui
dire que lorsqu’on est en si piètre position sidérale, ce n’est point le temps
d’entreprendre de renouveler la maison de fond en comble, mais seulement de la
soutenir du mieux qu’on peut, telle qu’elle nous a été léguée, et qu’il ne
suffit pas d’arriver du village de Pompadour en Limousin, avec des simplicités
de paysan, pour être entendu des rois et réparer les injustices du monde ?
Le malheur du temps veut que les plus grands trônes ne sont point occupés par
des hommes aussi grands que leur charge. Ah ! les successeurs n’auront pas
la tâche facile !
Il me dit encore, en cette veille de
départ : « Serais-je donc le pape qui aurait pu faire l’unité des
chrétiens et qui l’aura manquée ? J’apprends que le roi d’Angleterre
assemble à Southampton cinquante bâtiments pour passer près de quatre cents
chevaliers et archers et plus de mille chevaux sur le continent. » Je
pense bien qu’il avait appris ; c’était moi qui lui avais fait donner la
nouvelle. « C’est la moitié de ce qu’il me faudrait pour satisfaire
l’empereur Paléologue. Ne pourriez-vous avec l’aide de notre frère le cardinal
Capocci, dont je sais bien qu’il n’a pas tous vos mérites et que je ne parviens
pas à aimer autant que je vous aime… » Farine, farine, pour m’endormir…
« mais qui n’est pas sans crédit auprès du roi Édouard, ne pourriez-vous
convaincre celui-ci, au lieu d’employer cette expédition contre la France… Oui,
je vois bien ce que vous pensez… Le roi Jean, lui aussi, a
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