Quelque chose en nous de Michel Berger
joignent à eux, Eddie Martinez (David Lee Roth, Run DMC) et Ira Siegel. « La prochaine étape fut programmée du 2 au 10 mars, reprend Rault. Même studio, même équipe réduite : Top, Bova, Bralower et Siegel, et la venue d’un guest remarquable sur deux morceaux, Michael Brecker. Comme il s’agissait de reconstruire de toutes pièces les cinq morceaux restants, un certain travail de préproduction s’impose. Les trois studios étant bookés, le manager Barry Bongiovi (cousin de Jon Bon Jovi) nous installe dans la cave, malgré un environnement assez hallucinant : sous-sol immense, jonché de vieilles machines d’enregistrement, d’amplis et d’instruments jetés là, décor apocalyptique à la Mad Max, heureusement sans les rats et autres créatures auxquelles on aurait pu s’attendre dans l’underground new-yorkais. C’est autour du clavier Kurweil 250 et du Super Jupiter TX8-16 mais aussi du Linn Sequencer que les chansons prirent forme. Le lundi 5 mars, après un repos dominical, dans le studio C, au troisième étage, se déroule la mise en boîte de “L’un sansl’autre”, chanson énigmatique qui se termine par “rendez-vous dans une autre vie…” Ce même jour et le lendemain furent consacrés à “Danser sur la glace”. Pour affirmer le “drive” et la force de la rythmique, Bralower et Bova allèrent chercher l’inspiration dans la programmation de Bernard Edwards, bassiste de Chic, pour l’album de Robert Palmer avec le groupe Power Station, réalisé dans le studio qui lui donne son nom en 1984.
» Le 7 mars, ce fut le tour de “À quoi il sert ?”, chanson en forme de question, au message pessimiste. Le tout enveloppé dans d’épaisses nappes feutrées du Kurzweill de Bova, telles les respirations lentes d’un protagoniste en manque d’oxygène. Suivant une méthode propre à Michel, il avait trouvé dans Man Ray un artiste/héros qui rejoignait la liste de ses hommages, après Paul Cézanne, Tennessee Williams et Ella Fitzgerald. La chanson prit forme en studio autour de la ligne de basse de Janik Top. Michel voulait utiliser l’effet sonore d’un obturateur d’appareil photo s’ouvrant et se fermant, un clic-clac qui servirait de figure rythmique, en s’appuyant sur la programmation de Jimmy. Warren Dewey, l’ingénieur du son de Débranche et de Dreams in Stone, nous envoie de Los Angeles une dizaine d’exemples tirés de son impressionnante librairie d’effets sonores. Le choix final fut ensuite programmé en Midi sur le vingt-quatre pistes.
» Le 9 mars, nous sommes redescendus au studio A pour “Le paradis blanc”. Michel souhaitait commencer ce titre par des chants de baleine. Jeff les échantillonna sur un album du saxophoniste new age Paul Winter, qui comportait une narration de Spock de la série Star Trek, alias l’acteur Leonard Nimoy. Pour évoquer l’ambiance ouatée et sépulcrale, il programma sur le Kurzweill des samples de chœurs moduléset de flûtes de Pan d’une couleur très cotonneuse et amortie, qui pouvaient évoquer des pas dans la neige. Le clavier Rhodes Chroma fit le reste et la touche finale apportée le lendemain par le grand Michael Brecker. À la place du solo de sax soprano qu’escomptait Michel, après une écoute du morceau dans la cabine, il suggère ce nouvel instrument à vent électronique dont il est devenu l’instrumentiste le plus expert, l’EWI. C’était la cerise sur le gâteau, un solo aux couleurs mystérieuses qui s’élève lentement et crée une mélodie lancinante. Dans un registre totalement différent, Brecker pose ensuite un solo de sax ténor d’une force et d’un impact remarquables sur “Danser sur la glace”, jouant peu de notes, digne des solistes les plus percutants des années cinquante, dans la pure tradition d’un King Curtis, d’un Lee Allen avec Little Richard ou d’un Herb Hardesty avec Fats Domino. »
Une dernière séance a lieu le 10 mars, au cours de laquelle Michel prend le temps d’enregistrer les voix du “Paradis blanc” et de “La chanson de Man Ray”. Le lendemain, il repart pour Paris avec Janiaud terminer les voix, les chœurs et ajouter les Petits Enfants Chantants de Bondy.
L’album paraît juste avant l’été 1990. « Ce disque a été fait à New York, il y a une grande énergie dedans. De la colère, de l’amour. J’avais été fasciné par l’Antarctique, la blancheur, la pureté, l’immensité, l’absolu silence. Et aussi par un jeune handicapé
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