Quelque chose en nous de Michel Berger
l’accouchement est délicat, se souvient Serge : « Ça ne lui venait pas aussi facilement qu’auparavant. Il trouvait plus difficile d’écrire pour lui que pour France ou Johnny. C’était laborieux, un disque dur à accoucher. Michel était perturbé par la retraite de France, une perte de repères. » Tout le monde se retrouve le 6 septembre au studio PUK pour cinq jours d’enregistrements. Mais comme en témoigne Janik, la cabine du studio possède une écoute monstrueuse, avec des enceintes extrêmement flatteuses, et pendant cette semaine de travail, chacun, Michel en tête, se fait plaisir en réécoutant à plein volume les prises, un pied sonore fantastique, mais trompeur quant à la réelle qualité de la musique. Malgré la présence de Jean-Pierre Janiaud, la prise de son est assurée par l’ingénieur maison, le Danois Peter Iversen. Les neuf morceaux prévus sont en boîte, les musiciens américains regagnent la Californie, cependant que Michel et sa troupe regagnent Paris le 11 septembre. Pérathoner est bluffé : « À l’aéroport, au retour, il a choisi une carte postale chacun pour Pauline et Raphaël, un geste, un souvenir, surtout pas ostentatoire, du sentiment, mais pas de débauche. Tout était pensé chez lui, intelligent, réfléchi. »
La mauvaise surprise a lieu plus tard, où en réécoutant les bandes dans des conditions normales Michel se rend compte de la « petitesse » du son, contrairement à ce qu’il avait entendu sur place. Des séances danoises ne survivront que « L’orange bleue » et « Privé d’amour ». Michel s’aperçoit que ça ne colle pas, mais le studio Gang où il avait ses habitudes devait investir énormément pour se transformer technologiquement afin d’épouser la révolution numérique etn’est pas disponible en raison des travaux. Il passe par Guillaume-Tell, à Suresnes, commence à s’intéresser au home studio, et rappelle Philippe Rault pour repartir de zéro en février et mars 1990, dans le sous-sol du studio Power Station à New York. Désireux de changer de couleur musicale à cette occasion, il se tourne non plus vers Elton John mais Cyndi Lauper, qui lui avait inspiré « L’ange aux cheveux roses » sur Différences . Ses deux derniers albums s’appuyaient en particulier sur deux musiciens new-yorkais, Jeff Bova aux claviers et aux arrangements (Robert Palmer, Herbie Hancock, Billy Joel, Ryuichi Sakamoto) et Jimmy Bralower aux percussions électroniques et à la batterie (Madonna, Chic, Paul McCartney, Jeff Beck, Brian Wilson, Stevie Winwood). En tandem, ils fournissaient depuis quelques années de solides bases rythmiques complètes pour Billy Joel, Phoebe Snow, Jim Steinman (producteur de Meat Loaf et Bonnie Tyler), et même Eric Clapton. Leur réputation est telle qu’on les appelle les Killer B’s.
« Ce sont ces deux musiciens que Michel me demande d’engager pour deux jours d’essais début février 1990, narre Philippe. Il voulait faire un test avec eux avant d’aller plus loin. Le 12 février, en plein cœur de l’hiver new-yorkais, nous nous sommes ainsi retrouvés au studio Power Station sur le West Side de Manhattan, Michel accompagné de France, Janik Top, Jeff et Jimmy. Nous avons la chance de travailler dans le légendaire studio A construit par Bob Clearmountain, qui a vu défiler les plus grands groupes anglais et américains. L’ingénieur du son maison, Alex Haas, parle français, mais, en plus, porte le même nom que la mère de Michel, ce qu’il prend pour un signe. Il souhaitait commencer par “Ça ne tient pas debout”. Ce devait être un coup de poing musical et verbal pour exprimer à la fois lafrustration et la puissance des sentiments éveillés chez le protagoniste ainsi que chez son observateur. Le son de batterie créé à cette occasion en faisant repasser les samples de Jimmy Bralower à travers des haut-parleurs dans la pièce d’enregistrement (pour y récupérer l’ambiance et la profondeur nécessaires) s’avéra être une base rythmique d’une percussivité extraordinaire, qui emmenait le morceau dans une tourmente sans fin, avec les pêches de synthétiseur de Jeff Bova qui en soulignaient encore plus les accents. Nous sommes rentrés nous coucher à l’hôtel Parker Méridien l’âme tranquille : Michel savait qu’il tenait le bon bout pour la suite de son album. »
La période d’essai est brève mais décisive. Pour « Les enfants chantent toujours », deux guitaristes se
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