Quelque chose en nous de Michel Berger
chanson, les arrangements viennent facilement, c’est magique. Avec Michel, c’était toujours bien parce que ses chansons n’étaient jamais pauvres. »
Philippe Rault travaillera encore avec lui pour Tycoon . Il conserve pour Michel une affection profonde. « Il fut toujours d’une gentillesse et d’une courtoisie exemplaires. Très sûr de ce qu’il voulait musicalement et farouchement déterminé à obtenir ce qu’il entendait pour chacune de ses compositions. Avec également un sens de l’humour qui l’aidait à franchir tous les challenges et les obstacles nombreux qu’il s’était bâtis pour lui-même. À la fois idéaliste dans sa conception musicale mais en même temps toujours pragmatique pour parvenir à la conclusion du projet. Personnellement, j’ai très rarement travaillé avec un artiste aussi attachant. Il avait toujours une vision très définie de ce qu’il cherchait en studio et ce fut souvent un défi de lui fournir les éléments qu’il réclamait. Mais il excellait dans les rapports humains et savait motiver tout le monde, quelles que soient les circonstances. »
Michel semble alors entendre l’appel d’un ailleurs qui l’attire. Le passé, les origines, l’art. Primitif ou pas. Il voyage avec Lionel Rotcage, qui a vécu deux ans parmi les Indiens Jicarilla au Nouveau-Mexique et reçu sa parure des mains du chef Apache Steve Martinez, et aussi avec son ami le collectionneur, galeriste, expert d’art, auteur du manifeste Les chefs-d’œuvre du monde entier naissent libres et égaux, inspirateur résolu du musée du Quai-Branly : Jacques Kerchache. Il consacre un reportage à ce dernier lors de son passage à « Mon Zénith à moi » sur Canal plus. Avec eux, il visite des musées, s’attelle à l’écriture d’un film consacré aux Indiens d’Amérique– son label s’appelle Apache – qui se serait appelé Cherokee, puis Totem et aurait été un peu La Vallée à l’envers, ou d’une certaine façon l’ancêtre arty de Un Indien dans la ville . À Lionel, Michel se confie comme rarement sur sa vie personnelle, ses doutes, ses espoirs, sa souffrance. Avec le second, il se rend en Chine, fait le tour du monde, retrouve même au Disneyworld d’Orlando Gilbert Coullier et les enfants que celui-ci a avec Annette Camus, la sœur de Jean-Claude auquel il est encore associé. Comme Manset, c’est l’Asie qui a le plus marqué Michel, la misère, le manque : « Physiquement, on se retrouve au Moyen Âge, mais les gens sont d’une fraîcheur incroyable. À Phnom-Penh, on a été visiter l’hôpital Calmette. On a découvert des médecins anonymes qui font un travail merveilleux. On entend parler des ONG de manière générique, mais aujourd’hui, c’est vraiment l’aventure moderne. Pour beaucoup de jeunes gens, ce doit être très motivant, d’être capable d’aider ainsi tout en vivant vraiment quelque chose de différent. Ils font des choses extraordinaires. C’est très émouvant à voir. » Il s’en souviendra dans une des rares chansons de Double Jeu à conserver un lien stylistique avec ses chansons précédentes, « La petite fille de Calmette ». Avec Plamondon, il envisage un opéra, un oratorio inspiré par Guernica . « Il avait de l’intellectuel la marginalité, la distance, la curiosité, le goût de la lecture, la passion de l’écriture », dira Jacques Attali dans « Le matin des musiciens », sur France Musique. À Carole Laure et Lewis Furey, qu’il rencontre en 1991, il demande comment ils font pour se préserver, « sans poser ensemble à la maison, en couverture de Jours de France, avec les enfants, pour réussir nos carrières sans céder aux poncifs du show-biz, les émissions de variétés, les play-back. Il était fatigué de tout ça, en avait assez. Ilen avait marre, songeait à faire autre chose, s’installer à Los Angeles. Malheureusement, c’était assez peu de temps avant qu’il ne meure. Je pense que nous serions vraiment devenus amis si nous en avions eu le temps », me raconte Lewis, lors d’un dîner avec Carole au Théâtre du Rond-Point, à sa sortie de scène, le 6 janvier 2012.
Lorsqu’il fait la connaissance de Michel, celui-ci a changé, porte des lunettes, son front s’élargit. Le cinéma l’intéresse, le fascine, l’attire. « Il possédait une capacité de créativité dans plein de domaines, était en permanence à l’écoute de plein de choses. Il donnait du temps à plein de gens qu’il aidait
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