Quelque chose en nous de Michel Berger
évoquent les vacances d’enfance dans cette commune de la café society des hauteurs de Genève, alors que « La génération du Sergent Poivre » permet d’entendre clairement les harmonies de France, mais c’est tout. L’album sort et disparaît dans l’indifférence.
En cause, une inspiration qui s’amenuise, peut-êtreun transfert de sens en direction de ses interprètes, mais surtout, alors que France devient une superstar, s’impose comme la chanteuse française numéro un, et que Michel triomphe par le truchement des chansons de Starmania interprétées par Fabienne Thibeault, Diane Dufresne, Claude Dubois et Daniel Balavoine, se pose la question de la viabilité de Michel Berger chanteur. Il en est conscient et, avec humour, préfère se réjouir du succès de ses interprètes. « France, vu comme je chante, ça n’est pas moi qui vais lui créer beaucoup de concurrence ! »
Avec l’album dit « Cœur brisé » il a trouvé son style, encore en friche quelques mois plus tôt lorsqu’il publiait « Words » sous le nom de Michel Hamburger, tentative de réclamer le crédit de « Jesus » pour lui-même. Mais sa voix est alors placée trop bas, son vibrato d’entre Barry Gibb et Véronique n’est pas assez assuré, le morceau, en anglais, français et espagnol, dans un style pseudo-soul et gospel un peu trop « fabriqué », malgré sa belle reprise de batterie style Michael Giles (King Crimson), le Phil Collins des débuts du prog-rock. Au sujet de ce fameux vibrato et, toujours, du mystère du syncrétisme Berger/Sanson, on écoutera avec intérêt en face B de « L’amour est là » un court morceau intitulé « Jamais, non, jamais jamais », qui semble dater de leur immersion sur les quais de Seine, aussi bien mélodiquement que parce que Michel s’y essaie au même tremblement vocal que celui de sa compagne d’alors, avec moins d’assurance toutefois.
« Il n’a pas le volume d’un Goldman, Balavoine ou Johnny, constate Bernard de Bosson, concerné au premier chef par le manque de succès de son artiste tout au long des années soixante-dix. Il n’a pas la voix pour chanter le style qu’il aurait aimé. Mais il n’avait aucun complexe lié à ça. Il possédaitce phrasé incroyable qui a marqué une génération entière. » Marc Kraftchik analyse sa personnalité, sans nommer ce qu’il conviendrait de qualifier de « rétention anale ». « On ne se voyait pas trois fois par semaine, mais on ne s’est pas vraiment quittés pendant vingt ans. C’est beaucoup. On était la carpe et le lapin. J’étais rebelle et à côté de la plaque et il me remettait les pendules à l’heure régulièrement. Il n’aimait pas la grande déconnade. Il aimait bien se marrer, comme ça, mais avec Bernholc on allait plus loin. Michel était un garçon bien élevé, propre sur lui, qui aurait bien aimé s’encanailler, mais qui a posé certaines barrières et n’a jamais osé aller plus loin. » Lui manque-t-il cette folie, ce largage des amarres de la bienséance, des us et coutumes qui fait les superstars flamboyantes, à la Johnny, Higelin ou Lavilliers, ou plus simplement, prosaïquement, le timbre plus marqué d’un Francis Cabrel, d’un Jean-Jacques Goldman, d’une Véronique Sanson ou d’une France Gall ? Sa voix douce, comme celle, très fragile et haut perchée, de Neil Young dans un genre très différent, mais que certains à ses débuts trouvaient fausse ou efféminée elle aussi, est toute en préciosité, loin de celle d’un rockeur. Elle exprime parfaitement une sensibilité à fleur de peau, une grande qualité émotionnelle, mais a du mal, c’est un fait, à convaincre dès que le propos devient plus dur, coléreux, ou fiévreux, les mots violents. Manque de puissance, de poids, de gravité, insuffisance semblable à celle qui discréditerait un présentateur du journal de vingt heures dont on exige fermeté, crédibilité, bienveillance virile, jusqu’à un certain paternalisme, quand bien même il s’agirait d’une présentatrice.
Inévitablement, en ces années encore empreintes du monde paysan et ouvrier, bûcheron, où la force physique et la résistance au mal sont des valeurspremières, où toute sensibilité affirmée un peu trop joliment apparaît « suspecte », les rumeurs les plus insidieuses, et stupides, circulent sur sa possible homosexualité, dont cette petite voix douce et maniérée serait l’unique indice. Grégoire Colart, dans un passage très
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