Quelque chose en nous de Michel Berger
j’ai eu envie de la faire à ma façon à moi, en commençant très doucement, puis en montant d’une octave comme cette chanson le méritait », me dira l’interprète du « Pénitencier ». En effet, en 1995, devenu patron de Mercury France, avec Jean-Yves Billet et Yann-Philippe Blanc, je rééditerai Gang et Rock’n’roll attitude, ce dernier augmenté de cet enregistrement live de « Diego », sous la forme d’un double CD baptisé Paroles d’hommes, dont le succès fulgurant (grâce à la pub TV) en fait encore aujourd’hui les deux albums les plus vendus de toute la carrière de Johnny. Et pour l’album de duos internationaux que nous produisons avec Caroline Molko pour tenter de donner suite à Rough Town, son album en anglais, Johnny enregistre ensuite en 1998 « Chanter pour ceux qui sont loin de chez eux » avec Montserrat Caballé, une version étrange comme un collage, pour un disque abandonné en cours de route, et dont ne subsiste vraiment que « Mama » que Zucchero a fait figurer sur l’un de ses propres albums de duos, Zu & Co .
Lorsque France et Michel publient Double Jeu, leur unique album commun, à l’été 1992, Johnny signe un article élogieux sur ses amis dans Paris-Match . « Chez eux, tout bouge, tout vibre, tout rocke. Parce que Michel est un écorché vif et France Gall une passionnée. Un couple qui se déchire parfois. Maisun couple n’existe que par ses tensions et ses déchirements, sinon il n’existe pas… Avant tout ils sont humbles. Une qualité qui par les temps qui courent se fait de plus en plus rare. »
À l’enterrement de Michel, Johnny sera là. Élégant, digne, recueilli, d’une classe folle en costume-cravate sombre et chemise blanche légèrement ouverte. Quelque chose en lui s’est évanoui. La veille de la mort de Michel, il dînait encore avec France et lui, Nathalie Baye et Pierre Lescure, chez eux à Capon. Il se rendra toujours disponible pour saluer le talent de Michel, sa mémoire, lui rendre hommage, à la télévision ou ailleurs, restera toujours fidèle à France, disponible pour elle. « Michel Berger est une des rares personnes que Johnny a vraiment aimées, témoigne Jean-Claude Camus. Il avait pour lui un très grand respect, une grande affection. Il lui a toujours rendu hommage dans chacun de ses spectacles. »
Dix-neuf ans plus tard, alors qu’il a deux ans plus tôt frôlé la mort au Cedar’s Sinaï, risquant la méningite spinale postopératoire, il est impeccablement animal et massif sur la scène du théâtre Édouard VII, à côté de l’Olympia, en black face Love and Theft pour incarner Chicken, métis bâtard dans Le Paradis sur Terre de Tennessee Williams.
Michel
« Écoute la musique (quelle consolation fantastique) » : tout est dit dès ce premier succès personnel, en septembre 1973. Aucun auteur au monde n’invoquera pareillement, aussi régulièrement, systématiquement, incantatoirement, sa propre activité, création, pour la célébrer, la convoquer, lui conférer des pouvoirs magiques, cathartiques, curatifs, analgésiques, rédempteurs, divins. Et quand il ne s’adresse pas à elle sous son nom (« Musique », « Tout pour la musique », « La bonne musique », « Suis ta musique où elle va »), c’est pour mieux en magnifier l’effet (« Ça balance pas mal à Paris », « Mon fils rira du rock’n’roll », « Ce que la pop music a fait d’une petite fille », « Quand on danse », « Dancing disco », « Amor tambien », « La minute de silence », « Rock’n’roll attitude », « Y a pas de honte »), l’instrument (« Il jouait du piano debout », « Mon piano danse », « Jouer du banjo », « Mandoline », « La fille au sax », « Pendue à mon cou »), l’instrumentiste (« La groupie du pianiste », « Si tu écoutes mes doigts »), l’interprète (« Celui qui chante », « Le chanteur abandonné », « Les princes des villes »), le besoin (« Chanter pour ceux qui sont loin de chez eux », « Chanson pour une fan ») ou l’inspiration (« Ella, elle l’a », « La génération du Sergent Poivre », « Parker, connais pas », « Calypso »). France, Johnny, sont ses porte-voix à l’intention decette déesse/maîtresse, marraine peu farouche, quand il craint que sa propre voix – la seule limite qu’elle lui a imposée – ne soit pas assez forte (il sait qu’elle ne tremblera jamais). Mais le plus étonnant, pour revenir au mystère de cette eucharistie originelle, c’est
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