Quelque chose en nous de Michel Berger
personnel de L’Étoile au cœur brisé, dément cette hypothèse, et cite Michel, pour lequel il avait nourri une attirance initiale. « Je sais que j’attire ce genre d’intérêt, même dans mon public, que certains se posent des questions sur ma sexualité, que des rumeurs circulent çà et là, mais la seule réponse que je puisse donner, c’est le silence, preuve de mon indifférence et de ma tolérance. » Au Palace, face à Thierry Ardisson dans « Lunettes noires pour nuits blanches » , ce n’est pas la façon dont il prononce « Je suis très hétéro » qui compte, c’est le sourire qu’il partage avec notre « Homme en noir » à nous qui dit tout, complicité masculine concupiscente sans laquelle l’espèce humaine n’aurait jamais atteint sa masse critique. Je puis rajouter ici, sans en dire plus, qu’un certain nombre de remarques, d’apartés, lors de conversations banales avec Michel ne permettent aucune ambiguïté. Non pas que cela importe en soi (enfin, si, à France, quand même), mais il serait faux de refuser de considérer qu’il s’est très longtemps agi d’un sujet.
Michel n’est pas non plus franc-maçon, comme nombre de ses préoccupations pourraient le laisser penser. « S’il n’était pas mort, je ne te le révélerais pas, me confie Bernard de Bosson au cours d’un dîner chez moi avec sa femme Françoise, le 1 er décembre 2011. Je souhaite que les maçons le prennent comme exemple. C’est le Grand Maître qui te parle. Beaucoup de frangins qui se revendiquent du christianisme pourraient prendre des leçons en s’inspirant de son intégrité. Michel n’aimait pas êtreembrigadé. Mais il était intrigué par ma démarche. » Quand Ardisson lui demande si, foncièrement, il ne cherche pas désespérément à « faire le bien », Michel répond lucidement : « Quand on est médecin, on fait du bien. Je ne crois pas qu’un disque puisse faire du bien de la même façon. Il ne faut pas mélanger quelqu’un qui écrit des chansons avec un maître à penser. »
Bon, pour tous ceux qui se demandent encore comment on peut réussir dans le métier sans être « juif, pédé ou franc-maçon » (et je vous jure qu’on m’a personnellement posé, en vain, cette question tellement souvent que je n’en croyais pas mes oreilles), il est effectivement l’un des trois. Mais Marc Kraftchik constate que c’est son éducation qui a pris le dessus. « Je lui ai demandé s’il était juif. Pour moi Hamburger, c’était évident. Mais il était surtout très protestant. » De Bosson confirme ce trait de caractère acquis, calviniste. « Il était capable de colères profondes, bouche serrée, vocabulaire acéré. Il pouvait être très fermé, buté, avoir un point de vue arrêté. » L’un comme l’autre parlent d’éducation, d’un pur produit de la HSP (Haute Société protestante). Pour le reste, à la question chancelesque d’Ardisson à propos de Dieu, Michel répond : « J’espère qu’il a une bonne raison. »
Fin, Berger est aussi compulsif et pugnace. Rigide, mais pas dénué d’humour. À Mychèle Abraham qui lui fait remarquer un soir de 1978 sur Europe 1 (« Ça va être ta fête ») que ses chansons d’amour « sont un peu cul-cul », il réplique dans une autre émission (« Tout peut arriver ») par une chanson inédite : « L’amour cul-cul ». Un autre jour, il la convoque à l’Athénien, le café de la rue François-I er à côté de la station (aujourd’hui le Café Mode) : il a scrupuleusement comptabilisé le nombre de fois où elle a diffusé « Le chanteur » de Daniel Balavoine au coursdes dernières semaines, et se plaint de ce matraquage au détriment des autres artistes, notamment de… Véronique Sanson. C’était quelques mois avant qu’il ne fasse de lui la vedette de Starmania ! Une autre fois encore, même lieu, même thé, « tasse contre tasse », il lui fait la leçon à propos d’une chanson de Patrick Juvet (dont les paroles sont de Jean-Michel Jarre) : « Tu ne peux pas diffuser “Faut pas rêver” en pleine nuit comme ça. Un texte pareil enlève tout espoir. Un coup à flinguer le moral des auditeurs. Choisir un disque à l’antenne, c’est une vraie responsabilité. » Si le doute existait, Michel Berger était un professionnel jusqu’au-boutiste, acharné, obsessionnel, concerné par les moindres aspects de son activité, doté d’une opinion et d’une vision globales. Mychèle est alors une proche, avec
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